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Réchauffement climatique : un changement d’approche s’impose

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Au Mali, tout le monde a conscience du changement de temps. Mais rares sont ceux qui savent que ce changement relève du réchauffement climatique dû lui aussi aux activités humaines incontrôlées. Pourtant, la pauvreté aussi bien que l’insécurité restent tributaires, en grande partie, de ce phénomène.
« Selon les estimations, les activités humaines ont provoqué un réchauffement planétaire d’environ 1 °C au-dessus des niveaux préindustriels, avec une fourchette probable allant de 0,8 °C à 1,2 °C. Il est probable que le réchauffement planétaire atteindra 1,5 °C entre 2030 et 2052 s’il continue d’augmenter au rythme actuel (degré de confiance élevé) », lit-on dans le rapport 2018 du Groupe d’experts intergouvernemental sur le réchauffement climatique (GIEC) pour montrer toute la menace qui pèse sur l’humanité à cause de ce phénomène de dérèglement climatique.
L’Agence pour l’Environnement et le Développement durable (AEDD) du Mali retient cinq risques liés au réchauffement climatique : la sécheresse, l’inondation, le vent fort, l’augmentation de la température, les épidémies. Tous ces risques sont bien perceptibles au Mali. Mais savons-nous qu’ils constituent des effets du réchauffement climatique ?
Changement de temps ou réchauffement climatique ?
Au Mali, on est conscient de ce phénomène de dérèglement climatique. Il est assez courant d’entendre, dans ce pays, des plaintes du genre « il fut des années où il pleuvait énormément », « sur toute l’année on ne pouvait jamais traverser telle ou telle partie du fleuve à pied », « les Journées de pêche collective rapportaient énormément de poissons », « les agriculteurs ont occupé nos espaces de pâturage » ou encore « les Peuls laissent leurs troupeaux détruire nos récoltes », etc.
En effet, les poissons se font de plus en plus rares dans les cours d’eau, les forêts restent nostalgiques de maints grands mammifères qui les peuplaient, les inondations ainsi que les sécheresses deviennent une réalité courante au Mali. Tout observateur averti est susceptible de faire le constat. Le Malien devient nostalgique du bon vieux temps sans savoir exactement ce qui en est la cause.
Toutes ces plaintes, dont certaines constituent le terreau du terrorisme, sont des effets de ce phénomène du changement climatique dont les effets ne sont plus cachés. « Au cours du siècle dernier, cette région [le sahel] a connu une légère augmentation des précipitationsvers 1950, suivie d’une sécheresse sans précédent de la fin des années 1960 à la fin des années 1980. Ces dernières années, la situation s’est partiellement rétablie », lit-on dans le rapport de 2010 de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) sur les incidences sécuritaires du changement climatique au Sahel.
Pays agro-sylvo-pastoral, le Mali connait cette situation de dérèglement climatique que les citoyens lambda comprennent derrière l’expression de « changement de temps » par ignorance du réchauffement climatique. « Le temps change. Notre monde est différent de celui de nos ancêtres comme nous-mêmes sommes différents de ces premiers hommes », soutiennent couramment des Maliens.
Cette conscience du changement du temps n’atteint pas la notion de changement climatique. Quant aux causes d’un tel changement, on les ignore pratiquement. Les explications données généralement se contentent d’attribuer ce changement à un ordre naturel du monde faisant que plus on évolue, plus les choses se dégénèrent.
Manifestations du changement climatique
Toutefois, cette dégénérescence progressive atteint gravement plusieurs zones agricoles dans lesquelles des initiatives se sont pourtant multipliées afin de contrecarrer certains effets (l’érosion, l’appauvrissement des sols, etc.) de ce phénomène climatique. Pour rappel, le secteur primaire (agriculture, élevage et pêche) occupe 80 % de la population active au Mali.
Sur le plan de la production d’électricité dans ce pays, les effets du changement climatique se font facilement remarquer consciemment ou inconsciemment. La baisse du niveau du fleuve a des impacts sur cette production.
Selon le Plan d’investissement de l’AEDD publié en 2018, « 80 % de la population malienne dépend de la biomasse pour la satisfaction de ses besoins ». La même Agence fait comprendre que la baisse de la production d’électricité de 20 % durant ces dernières années est tributaire de la sécheresse.
Malgré l’ignorance de la population de ce phénomène, ses effets restent palpables à tous les niveaux puisqu’il n’épargne aucun secteur d’activité. C’est ce qui ressort du rapport de l’AEDD qui explique : « Les impacts des changements climatiques touchent tous les secteurs du développement socio- économiques (agriculture, foresterie, pêche, élevage, mine, énergie) et culturels. Par conséquent, ils entrainent l’accélération de la destruction des ressources naturelles (eau, sol, air, faune et flore) et la dégradation du cadre de vie ».
Les manifestations de ce phénomène ignoré par maints citoyens sont nombreuses. Mais leur attitude vis-à-vis de cette tragédie humanitaire leur permet-elle d’avancer des causes objectives du phénomène ?
Cacophonie autour des causes
Au Mali, la confusion sur les causes de ce phénomène ne semble d’ailleurs pas se limiter au peuple malien. Dans le rapport de l’OCDE en 2010, on se rend compte que même les scientifiques sont maintenus dans cette confusion : « En dépit de vastes efforts visant à identifier la cause des tendances observées, la communauté scientifique n’est pas parvenue à s’accorder pleinement sur l’origine de la période de sécheresse. Lavariabilité pluviométrique du Sahel est certainement le résultat d’interactions complexes entre plusieurs processus. Aucun facteur isolé ne semblant pouvoir l’expliquer. »
Pourtant, le Mali n’est pas neutre en termes de production de gaz à effet de serre. La saison sèche est celle des feux de brousse par excellence dans ce pays. Cela reste de même à l’approche de l’hivernage, lors de la préparation des champs pour la nouvelle saison agricole. Les arbustes ainsi que les quelques tiges restant dans les champs sont rassemblés et brûlés sur place sans qu’on ne se demande si ces fumées ont des conséquences sur notre environnement. On s’en moque pratiquement parce qu’ignorant leurs effets.
 En plus de tous ceux-ci, qu’en dit-on de cette pratique assez développée du côté des Maliennes consistant à brûler les pneus usés pour en extraire les fers qui les composent ? Les vieux véhicules dégageant des fumées dont la noirceur empêche toute bonne vision sur nos voies publiques et contribuent également à l’aggravation de ce phénomène climatique. Ne parlons pas des vagues de poussières de sable du désert.
La plupart de ces pratiques sont nocives à l’atmosphère et polluent l’air. Une situation désastreuse pour la santé humaine aussi bien que l’agriculture.
Comme nous l’avons susmentionné, tous les citoyens font face aux effets de ce dérèglement climatique et y contribuent de façon directe ou indirecte, consciemment ou inconsciemment, à son aggravation.
Ce qu’entraine ce réchauffement climatique
Ces situations ne sont pas sans conséquence. Elles contribuent à l’accroissement de la pauvreté et par ricochet à l’alimentation de conflits locaux notamment entre éleveurs et agriculteurs autour de l’accès aux quelques rares ressources naturelles. Cette situation n’est pas à écarter dans la compréhension du conflit existant à Mopti, 5e région du Mali.
Cette corrélation entre le réchauffement climatique et les conflits locaux ressort dans la Note d’analyse du Comité d’organisation du Dialogue national inclusif (un dialogue inter maliens pour la sortie de crise et le développement) publié au mois de novembre 2019. « […] L’augmentation de la durée et de la rigueur de la saison sèche entraine une réduction toujours plus importante des zones de pâturage et contraint les éleveurs à migrer continuellement vers de nouvelles zones, causant des dégâts sur les espaces agricoles. Les agriculteurs ont tendance à développer leurs activités dans les zones initialement consacrées à la divagation du bétail. Ensuite, les tensions entre éleveurs et agriculteurs se multiplient et tendent à se transformer, au fil du temps, en oppositions communautaires », lit-on dans ce document.
Ce lien entre terrorisme et réchauffement climatique est reconnu par le ministère malien pour l’Environnement, l’Assainissement et le Développement durable. Selon le chargé de communication dudit ministère, ce phénomène entrainant une raréfaction des ressources naturelles engendre une course folle autour des quelques ressources restantes. Une situation qui finit souvent par être cause de conflits, de pauvreté et donc d’insécurité.
Selon le rapport 2018 du GIEC, ce sont « Les populations défavorisées et vulnérables, certains peuples autochtones et les communautés locales tributaires de moyens de subsistance liés à l’agriculture et aux ressources côtières » qui sont les plus exposés à ces conséquences du réchauffement climatique. N’est-ce pas la raison pour laquelle, l’Accord de Paris demande une assistance des pays développés aux moins développés pour appuyer leurs efforts d’adaptation à ce phénomène.
Pour sa part, l’OCDE souligne que « Le nombre de décès prématurés causés par la pollution de l’air extérieur durant l’année de référence 2010 s’élevait à près de 3 millions dans le monde ». Cette organisation projette entre 6 ou 9 millions les décès liés à ce phénomène dans les années 1960. Dans de telles circonstances, ne convient-il pas d’attribuer à ce phénomène maintes maladies qui apparaissent sur nos contrées sans que les spécialistes réussissent à déterminer exactement leurs causes a posteriori d’y trouver des remèdes.
 Nous faisons face à une situation qui donne à craindre pour l’avenir de toute l’humanité notamment de ces pays en développement, tel que le Mali, qui rejoignent de plus en plus le rang des plus grands pollueurs.
Utiliser les intérêts des populations comme arme de combat contre ce phénomène
Aujourd’hui, pour mener une lutte efficace contre ce fléau, un changement d’approche s’impose. « Les voies pour répondre à la menace écologique ne sont pas seulement techniques, elles nécessitent prioritairement une réforme de notre mode de pensée pour embrasser dans sa complexité la relation entre l’humanité et la nature, et concevoir des réformes de civilisation, des réformes de société, des réformes de vie », recommandait Edgar Morin, sociologue français.
Selon l’OCDE, « L’adoption de politiques visant à limiter les émissions de polluants atmosphériques permettrait d’améliorer la qualité de l’air et de réduire les risques d’impacts très graves, et, correctement mises en œuvre, ces mesures apporteraient également des avantages secondaires considérables sur le plan de la lutte contre le changement climatique ».  
La conscience d’un « changement de temps », que des citoyens maliens trouvent normal, ne favorise pas assez la lutte contre le réchauffement climatique. Bien menées, les campagnes de sensibilisation des autorités maliennes peuvent se faciliter si elles se fondaient sur cette expression de « changement de temps », conviction des citoyens, afin de leur (les citoyens) convaincre de la portée de ce phénomène. Cela permettra une meilleure compréhension de ce phénomène qui ronge ce pays à cause de l’ignorance de ces populations et pourra entrainer, ipso facto, plus d’actions pour la préservation de l’environnement.
Cette mesure reste pareille pour la problématique du couvert végétal. À la différence que pour inciter les citoyens à la sauvegarde et à la plantation des arbres, il faut qu’ils y voient un intérêt particulier. Cela peut être en rapport aux conséquences du réchauffement climatique ou encore à un gain économique pour eux.
L’éducation étant indispensable pour la construction citoyenne, il convient de ne pas l’ignorer dans la lutte contre ce phénomène. Dans les programmes scolaires, du fondamental (de la première année à la sixième année) jusqu’aux universités en passant par le secondaire, il convient d’intégrer des modules sur les causes, les manifestations, les effets du dérèglement climatique ainsi que les comportements à adopter pour lutter contre ce chaos.
Les humoristes et les jeunes rappeurs ne doivent pas être négligés dans les campagnes de sensibilisation parce qu’ils sont aujourd’hui les plus écoutés par la jeunesse. Cela, parce qu’ils s’adressent à ces jeunes dans leur langue nationale. Ce changement d’approche est assez important pour la réussite de ce combat contre le réchauffement de notre « Maison commune ».
S’agissant strictement de la pollution de l’air, il est important qu’au Mali, les autorités prennent des mesures appropriées pour multiplier les transports publics. Cela contribuera non seulement à lutter contre le réchauffement climatique, mais aussi à combler le déficit de routes. Des sanctions doivent être prévues contre les propriétaires de véhicules dégageant des fumées nocives. Des dispositifs appropriés doivent être pris afin de mieux mesurer la pollution de l’air. 

La pollution de l’air. Crédit photo: OCDE


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