À quelques jours du vote à Abidjan, la succession d’Akinwumi Adesina à la tête de la BAD s’intensifie en coulisses. Cinq candidats, des jeux d’alliance discrets, et une surprise : le soutien affiché du Mali à la candidature mauritanienne de Sidi Ould Tah, dans une bataille où chaque voix pourrait faire basculer l’élection.
Le compte à rebours est enclenché. Dans dix jours exactement, à huis clos, loin des micros et des caméras, les actionnaires de la Banque africaine de développement désigneront le successeur d’Akinwumi Adesina. Le 29 mai au soir, Abidjan connaîtra enfin le nom du futur maître du coffre-fort panafricain, un poste où se croisent ambitions nationales, équilibres régionaux et intérêts extra-africains.
Cinq noms sont en lice, cinq parcours qui s’affrontent en silence : le Sénégalais Amadou Hott, ancien ministre de l’Économie ; la Sud-Africaine Swazi Tshabalala, actuelle numéro deux de la BAD ; le Tchadien Mahamat Abbas Tolli, patron sortant de la BEAC ; le Zambien Samuel Maimbo, haut cadre de la Banque mondiale ; et enfin, le Mauritanien Sidi Ould Tah, technocrate aguerri et homme fort de la Banque arabe de développement.
Une élection verrouillée, une salle interdite aux curieux
Comme le veut la tradition, le vote se déroulera à huis clos, sans la présence même du président sortant. Seuls les délégués des 81 États actionnaires – 54 africains, 27 non-africains – auront voix au chapitre. Des délégués soigneusement mandatés par leurs gouvernements respectifs, chacun pesant en fonction de ses parts dans le capital. Un scrutin à double majorité, où les voix africaines doivent se conjuguer avec celles des bailleurs internationaux, des États-Unis à la Chine, en passant par le Japon, la France ou le Canada.
C’est dans ce contexte de manœuvres diplomatiques que le Sahel a décidé de jouer une carte qu’on n’attendait pas forcément. Ce lundi 19 mai, une délégation de Nouakchott, conduite par la ministre mauritanienne de l’Hydraulique, Amal Mint Maouloud, a été reçue par Assimi Goïta à Bamako. Officiellement pour réaffirmer les liens de fraternité entre la Mauritanie et le Mali. Officieusement – et surtout – pour demander un soutien politique clair en faveur de la candidature de Sidi Ould Tah.
Mission accomplie, selon la ministre mauritanienne qui, à sa sortie d’audience, s’est dite porteuse d’un message d’encouragement du président malien. Mieux encore, elle assure repartir avec le soutien affirmé du Mali.
Sidi Ould Tah, la carte discrète mais solide
Trente ans d’expérience, une carrière jalonnée de hautes fonctions ministérielles, deux mandats à la tête d’une grande institution de développement… Le CV du Mauritanien a de quoi séduire. À en croire Nouakchott, son programme colle aux besoins des pays africains et promet une BAD plus proche des réalités de terrain. Un argument qui pourrait séduire le bloc sahélien, AES.
Mais face à lui, la concurrence est rude. Amadou Hott peut compter sur Dakar et les poids lourds de la CEDEAO. Swazi Tshabalala part avec l’avantage d’être en interne, déjà familière des rouages de la Banque. Mahamat Abbas Tolli joue la carte de l’Afrique centrale, et Samuel Maimbo bénéficie de solides soutiens à Washington.
Rien ne dit que le premier tour sera décisif. Historiquement, les élections à la BAD se jouent en plusieurs manches, les candidats devant réunir la double majorité des actionnaires africains et non-africains. Un équilibre précaire où les petits États peuvent faire basculer les calculs des grands.
Abidjan, théâtre des ambitions africaines
Alors que les délégations se préparent à rejoindre la capitale ivoirienne, les lignes continuent de bouger. Le soutien du Mali à Sidi Ould Tah en est la preuve : rien n’est figé, tout reste à négocier. Alliances régionales, engagements croisés, promesses d’appui… les conversations se multiplient dans les coulisses.
Le 29 mai, à Abidjan, le rideau tombera. D’ici là, les prétendants affûtent leurs réseaux. Le poste est stratégique, les ambitions nombreuses. Et sur l’échiquier africain, chaque pièce compte.
Chiencoro Diarra
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