Brice Oligui Nguema, arrivé au pouvoir par un coup d’État en août 2023, officialise sa candidature à la présidentielle du 12 avril 2025. Entre promesse de stabilité et crainte d’une transition verrouillée, son entrée en lice pose une question cruciale : s’agit-il d’un retour à l’ordre constitutionnel ou d’une militarisation durable du pouvoir au Gabon ?
Il y a des candidatures qui sonnent comme une évidence et d’autres qui rappellent à quel point la transition démocratique peut être un chemin sinueux. Brice Oligui Nguema, général devenu président par la force des armes, veut désormais l’être par la voie des urnes. À la tête du Gabon depuis le coup d’État d’août 2023 qui a renversé Ali Bongo, l’homme fort de Libreville a officialisé sa participation à l’élection présidentielle du 12 avril 2025. Un passage de témoin… à lui-même ?
Un putschiste en quête de légitimité
Il n’aura fallu que dix-huit mois pour que celui qui se présentait comme le garant d’une transition pacifique décide de transformer son rôle de chef de l’État par intérim en une ambition présidentielle assumée. « Rebâtir le pays », c’est ainsi qu’il justifie sa candidature, s’appuyant sur la nouvelle Constitution adoptée par référendum en novembre 2024, qui consacre un mandat présidentiel de sept ans renouvelables une fois. Une réforme taillée sur mesure ? Ses adversaires ne s’en privent pas de le penser.
Le paradoxe n’échappe à personne. C’est en dénonçant un pouvoir dynastique accaparé par la famille Bongo qu’Oligui Nguema s’est emparé du pouvoir. Aujourd’hui, sa candidature légitime l’idée que les transitions militaires finissent toujours par ressembler aux régimes qu’elles ont renversés.
Stabilisateur ou nouveau verrou à l’alternance ?
Reste que le général-président bénéficie encore d’un certain capital politique. Le Gabon de 2025 n’est plus tout à fait celui de 2023, lorsque l’élection contestée d’Ali Bongo et l’intervention des militaires avaient mis fin à 56 ans de règne familial. En dix-huit mois, Oligui Nguema a consolidé son pouvoir en jouant la carte de l’apaisement, en multipliant les consultations et en instaurant un dialogue avec une société civile longtemps mise à l’écart.
Mais derrière cette façade consensuelle, sa candidature divise. Pour ses partisans, il est le seul à même de garantir la stabilité du pays et d’éviter un retour aux tensions politiques. « Le Gabon ne peut pas se permettre une nouvelle crise », clament-ils. Pour ses détracteurs, cette candidature est le signe d’une militarisation durable du pouvoir, l’aveu que la transition ne fut qu’un prétexte pour s’installer durablement.
D’autant que la nouvelle loi électorale autorise les militaires à se présenter, un aménagement réglementaire qui, là encore, semble tomber à point nommé. Un militaire-candidat, une Constitution remodelée, une opposition affaiblie. Le terrain semble balisé pour Oligui Nguema.
Une élection décisive pour l’avenir du Gabon
L’élection du 12 avril 2025 ne sera pas seulement un scrutin, mais un test grandeur nature pour la démocratie gabonaise. Si Brice Oligui Nguema l’emporte, il aura sept ans pour prouver qu’il n’est pas qu’un putschiste reconverti en chef d’État. Mais son élection marquerait aussi la victoire d’un schéma politique bien connu en Afrique : celui du militaire venu au pouvoir par la force et décidé à y rester par les urnes.
Pour le Gabon, l’alternative est claire : soit cette élection ouvre réellement la voie à une gouvernance plus transparente, soit elle ancre un peu plus le pouvoir dans la continuité du passé. L’avenir nous dira si le général-président est un homme de transition… ou un homme de transition permanente.
A.D
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