Alors que l’Afrique subsaharienne concentre l’écrasante majorité des décès liés au paludisme, la Journée mondiale de lutte contre la maladie met en lumière les défis cruciaux qui freinent les progrès : émergence de résistances, baisse des financements, mais aussi espoirs technologiques avec l’introduction de moustiquaires innovantes et de répulsifs spatiaux. L’enjeu ? Réinventer la lutte contre le paludisme dans une région qui refuse de se résigner.
Longtemps reléguée au rang de fatalité tropicale, la lutte contre le paludisme a connu, entre 2000 et 2015, une embellie quasi historique. Moustiquaires imprégnées, traitements à base d’artémisinine, pulvérisations ciblées. Un triptyque d’interventions qui, selon l’OMS, a sauvé près de 13 millions de vies, évitant plus de deux milliards de cas dans le monde, essentiellement en Afrique subsaharienne. Le paludisme, maladie des pauvres et du climat, semblait alors en passe d’être dompté.
56 millions de moustiquaires de nouvelle génération ont été déployées
Mais voilà que le vent tourne. Lentement, puis brutalement. À l’heure où le monde célèbre la Journée mondiale de lutte contre le paludisme, le constat est sans appel : la progression s’est essoufflée, et l’Afrique, une fois encore, se retrouve en première ligne. La résistance s’organise. Pas celle des peuples, mais celle, plus sourde, plus perverse, des moustiques et des parasites. Résistance aux insecticides, aux médicaments, et bientôt, peut-être, à l’indifférence des bailleurs internationaux.
Car si le parasite du paludisme évolue, les moyens de le combattre stagnent. L’arme maîtresse de ces vingt dernières années, les traitements combinés à base d’artémisinine, vacille. La molécule miracle pourrait demain n’être qu’un mirage, tant la résistance se propage dans certaines régions. « Sans action rapide, ces traitements pourraient devenir inefficaces », alerte Unitaid, qui finance des solutions innovantes pour enrayer ce déclin annoncé.
Dans ce combat silencieux, le nerf de la guerre reste l’innovation. En réponse, le projet New Nets, piloté avec le soutien du Fonds mondial et de la President’s Malaria Initiative, a marqué un tournant. 56 millions de moustiquaires de nouvelle génération ont été déployées entre 2019 et 2022, principalement en Afrique subsaharienne. Bilan estimé : 13 millions de décès évités. Un chiffre vertigineux, mais encore fragile, tant que l’accès reste limité et les financements, aléatoires.
Réinventer toute une approche stratégique
Aux filets de lit s’ajoutent désormais les répulsifs spatiaux, nouveaux venus dans la panoplie anti-paludique. Ces dispositifs muraux, qui diffusent lentement des insecticides dans l’air ambiant, pourraient bien représenter la première innovation majeure en lutte antivectorielle depuis des décennies. Encore faut-il que la recherche confirme leur efficacité à grande échelle – et que les marchés africains soient prêts à les accueillir.
Mais l’innovation seule ne suffira pas. C’est toute une approche stratégique qu’il faut réinventer, plaide le camp des scientifiques africains. Éducation numérique, réduction des coûts d’accès aux traitements, souveraineté sur les données épidémiologiques. Les mots d’ordre sont clairs. Les États africains doivent cesser d’être de simples récipiendaires pour devenir coproducteurs de la riposte.
La campagne mondiale de 2025, intitulée « Le paludisme s’arrête avec nous : réinvestir, réimaginer, raviver », sonne comme une ultime alerte. L’Afrique subsaharienne, qui concentre 94 % des cas et des décès liés au paludisme, ne peut plus attendre les décisions des capitales du Nord. À Bamako, à Kampala, à Ouagadougou, le mot d’ordre doit être clair : le paludisme n’est pas une fatalité. C’est un défi collectif, une responsabilité partagée, une urgence politique.
Car si nous n’agissons pas maintenant, ce ne sont pas seulement des vies que nous perdrons. C’est une guerre contre le découragement, contre la lassitude, contre l’idée que certaines morts valent moins que d’autres.
F. Togola
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