D’anciens rebelles du FPL et du MJRN ont déposé les armes à Agadez, répondant à l’appel au dialogue du général Tiani. C’est un pas vers la réconciliation au Niger.
Dans un climat politique chargé et un contexte sécuritaire tendu, l’annonce du dépôt des armes par la coalition des mouvements armés Front patriotique de Libération (FPL) et Mouvement pour la Justice et la Réhabilitation du Niger (MJRN) résonne comme une note d’espoir. Ce geste marque non seulement un tournant pour le Niger, mais pose aussi des questions fondamentales sur la stratégie de pacification du régime militaire dirigé par le général Abdourahamane Tiani.
Un symbole fort pour la Transition
Le régime militaire s’est félicité de cette reddition, qualifiant ce geste de « réponse à l’appel patriotique » du général Tiani. Ce dernier, qui a pris le pouvoir à la faveur du coup d’État de juillet 2023, avait multiplié les appels au dialogue avec les groupes armés pour rétablir la stabilité du pays. Le dépôt des armes de ces anciens rebelles, notamment lors d’une cérémonie à Agadez, n’est pas qu’un simple acte symbolique : il témoigne d’un début d’adhésion à une vision nationale, celle d’un Niger uni au-delà des clivages politiques et ethniques.
Le dépôt « d’un impressionnant arsenal de guerre » et « d’une quinzaine de véhicules » par ces combattants met en lumière l’ampleur des moyens mobilisés dans leur lutte. Leur désarmement est une victoire stratégique pour le régime, mais aussi un message de désescalade dans un pays qui lutte pour reprendre le contrôle sur son territoire et rétablir la paix.
Le rôle du dialogue et les fractures internes
Cette reddition est le fruit de négociations et de « dialogues sans cesse renouvelés », selon les autorités. Mais elle met aussi en lumière les lignes de fracture qui subsistent. Le FPL, formé pour soutenir Mohamed Bazoum, avait revendiqué des attaques contre l’armée et des actes de sabotage. Le MJRN, quant à lui, portait depuis 2016 des revendications pour le développement des régions marginalisées du Kawar et de Manga. Ces groupes incarnaient des aspirations différentes, souvent ancrées dans un sentiment d’abandon par l’État central.
Le geste de réconciliation ouvre la voie à un apaisement des tensions, mais il reste à savoir si ce désarmement est durable ou s’il cache des désaccords plus profonds. La déchéance de nationalité de certaines figures du FPL, comme Mahmoud Sallah, laisse planer le doute sur la capacité du régime à intégrer tous les acteurs dans un processus inclusif.
La paix fragile obtenue avec ces groupes intervient dans un contexte où d’autres foyers de tensions subsistent. L’enlèvement du préfet de Bilma et de ses collaborateurs par le Front patriotique pour la Justice (FPJ), qui réclame la libération de Mohamed Bazoum, montre que la pacification reste partielle. De même, l’arrière-plan géopolitique, marqué par la lutte contre le terrorisme et les rivalités régionales, complexifie davantage la situation.
Entre victoire militaire et réconciliation nationale
Le dépôt des armes par ces groupes est indéniablement une victoire pour le régime militaire. Toutefois, la stabilité réelle du Niger ne pourra être obtenue qu’en traitant les causes profondes des conflits : marginalisation économique, exclusion politique et fractures sociales. Les revendications du MJRN sur le développement régional, par exemple, rappellent que le désarmement doit s’accompagner d’un plan clair pour répondre aux attentes des populations.
Le général Abdourahamane Tiani a l’occasion d’aller au-delà de la simple victoire militaire pour engager le pays sur la voie de la réconciliation nationale. Cela nécessite une gouvernance inclusive et des politiques concrètes pour intégrer toutes les composantes de la société nigérienne. L’appel du général Boulama à d’autres groupes armés pour qu’ils relâchent leurs otages illustre que le dialogue reste un levier essentiel.
Les défis d’une paix durable
Si ce désarmement est une étape positive, il reste à voir si le régime saura transformer cet élan en une dynamique durable. Les exemples passés au Niger et dans la région montrent que les accords de paix, sans suivi effectif, peuvent s’effondrer rapidement. La réintégration des anciens combattants, le développement économique des zones marginalisées et la construction d’un État inclusif seront les prochains tests pour la Transition.
Le désarmement des FPL et MJRN est une lueur d’espoir dans un pays marqué par l’instabilité. Mais pour transformer cette victoire en paix durable, le Niger devra combiner fermeté et ouverture, ambition et pragmatisme. Le régime militaire a remporté une bataille symbolique, mais la guerre pour le développement et l’unité nationale ne fait que commencer.
Alassane Diarra
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