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Moscou-Bamako : ce que trois accords disent du nouveau logiciel diplomatique malien

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À Moscou, le président malien Assimi Goïta a paraphé trois accords structurants avec la Fédération de Russie, scellant une nouvelle étape dans le partenariat stratégique entre Bamako et le Kremlin. Entre diplomatie d’influence, coopération sécuritaire et souveraineté énergétique, le Mali affirme désormais une voix propre, déliée des anciennes tutelles. Une bascule silencieuse, mais décisive.

Le 23 juin 2025, alors que les caméras étaient tournées vers la poignée de main entre Vladimir Poutine et Assimi Goïta au Kremlin, trois documents étaient signés dans la discrétion des salons officiels. Peu de mots, mais beaucoup de symboles. Et surtout, un virage que l’histoire retiendra comme un jalon majeur dans la redéfinition des alliances africaines au XXIe siècle.

Car ce n’était pas seulement le Mali qui parapha trois accords à Moscou. C’était tout un paradigme qui se consolidait : celui d’une Afrique sahélienne qui ne quémande plus, mais contracte. Qui ne subit plus, mais structure.

Un pacte économique d’égal à égal

Premier document signé : la création d’une Commission intergouvernementale russo-malienne sur la coopération économique, scientifique et technique. À première vue, une formalité diplomatique. Mais en réalité, un cadre de projection bilatéral, pensé pour durer.

Ce que dit cet accord ? Qu’il ne s’agit plus d’aides ponctuelles ou de gestes symboliques, mais d’architectures économiques croisées. Qu’un pays comme le Mali, historiquement sous-développé mais géologiquement surdoté, peut devenir un partenaire d’opportunité, non un satellite de dépendance.

L’atome comme levier de souveraineté

Deuxième texte : un accord de coopération sur l’usage pacifique de l’énergie nucléaire, en partenariat avec ROSATOM. Pour un pays où l’accès à l’électricité reste sporadique en zone rurale, cela pourrait sembler ambitieux. Mais le Mali ne veut plus bricoler avec des générateurs.

Cet accord, c’est le refus d’un continent assigné à l’obscurité, et le choix d’une solution de rupture. À condition, bien sûr, que l’atome ne devienne pas un mirage technocratique, mais bien un outil de souveraineté énergétique maîtrisée.

La sécurité, pierre angulaire du triptyque

Le troisième accord, plus global, trace les fondements politiques, diplomatiques et sécuritaires des relations Mali–Russie. Un traité de confiance, si l’on veut. Mais aussi, entre les lignes, un pacte de soutien mutuel dans un monde devenu fragmenté.

Le Mali a besoin de partenaires qui ne regardent pas son armée avec suspicion. La Russie, de son côté, trouve au Sahel un terrain d’influence où ses livraisons d’équipements, de formations et de doctrine sont accueillies sans conditionnalité politique.

C’est un pari. Mais un pari assumé.

Plus qu’un réalignement, une affirmation

Certains observateurs y verront un simple réalignement. C’est une erreur. Car le Mali ne se tourne pas vers la Russie par rejet de l’Occident, mais par choix d’un modèle alternatif de partenariat, où les dossiers ne sont pas dictés à Paris, validés à Washington et rejetés à Addis-Abeba.

Ce que montrent ces trois accords, c’est un logiciel diplomatique en train de s’écrire : celui d’un Mali — et plus largement d’un Sahel — désireux de penser son avenir hors des schémas imposés, quitte à désarçonner les diplomaties classiques.

À Moscou, le Mali ne s’est pas contenté de saluer un allié. Il a dessiné une stratégie, contractualisé une vision, et confirmé sa place dans une géopolitique multipolaire qui ne dit pas encore tout haut ce qu’elle transforme déjà en profondeur.

Trois signatures. Trois ruptures. Trois signaux. L’histoire retiendra peut-être qu’à Moscou, en juin 2025, un petit État sahélien a tendu la main à une grande puissance eurasienne — pas en suppliant, mais en négociant.

A.D


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