Le populisme gagne du terrain en Afrique. Il est porté par le rejet des élites et les inégalités croissantes. Ce phénomène soulève une question cruciale : représente-t-il une opportunité pour la démocratie ou une menace pour la stabilité du continent ?
Alors que l’Afrique s’efforce de bâtir des démocraties stables, le spectre du populisme se dresse, menaçant d’anéantir les fragiles acquis de la liberté et de la justice sociale. Ce courant politique, qui prétend redonner le pouvoir au « peuple » face à une élite jugée corrompue et déconnectée, prend de l’ampleur sur le continent, nourri par des inégalités croissantes et une défiance généralisée envers les institutions.
Un terreau fertile pour le populisme
Le populisme en Afrique est un phénomène complexe qui se manifeste différemment selon les contextes nationaux et régionaux. Dans de nombreux pays, une minorité détient l’essentiel des richesses, tandis qu’une large partie de la population vit dans la précarité. Cette fracture socio-économique alimente un profond sentiment d’injustice, propice à l’émergence de leaders populistes qui se présentent comme des alternatives aux élites traditionnelles.
De plus, la corruption endémique et la mauvaise gestion des ressources publiques ont accru la défiance des citoyens envers leurs dirigeants. Cette situation a contribué à l’ascension de régimes militaires au Mali, au Burkina Faso, au Niger, en Guinée et au Gabon, ces derniers ayant su capitaliser sur l’insatisfaction populaire pour justifier leur prise de pouvoir.
Des figures populistes en pleine ascension
Dans plusieurs pays africains, des leaders populistes ont su exploiter les frustrations populaires pour asseoir leur influence. En Zambie, Edgar Lungu a été vivement critiqué pour sa gestion, ouvrant la voie à des figures populistes. En Afrique du Sud, le débat sur la redistribution des terres a été amplifié par une rhétorique nationaliste héritée des inégalités de l’apartheid.
De même, au Nigeria, Muhammadu Buhari a utilisé un discours nationaliste pour renforcer sa base électorale. Cette stratégie, qui consiste à mobiliser les masses autour d’un récit d’exclusion et de revanche sociale, a également été observée en Ouganda avec Bobi Wine, qui a su tirer parti des réseaux sociaux pour mobiliser la jeunesse contre le régime en place.
Les conséquences d’un populisme débridé
Si le populisme permet une mobilisation accrue des citoyens, il fragilise aussi les institutions démocratiques. En Côte d’Ivoire, après les élections de 2010-2011, les discours populistes ont exacerbé les divisions ethniques, plongeant le pays dans une crise profonde.
De nombreux leaders populistes, une fois au pouvoir, cherchent à affaiblir les institutions pour consolider leur autorité. Manipulation des élections, répression de l’opposition, restrictions des libertés de la presse : autant de stratégies utilisées pour maintenir un contrôle total sur l’appareil d’État.
Dans certains cas, cette dynamique a conduit à une instabilité politique accrue. Le mouvement Hirak en Algérie, par exemple, fut en partie une réaction contre un gouvernement perçu comme populiste et déconnecté des réalités du peuple.
Un défi pour la démocratie africaine
Le populisme en Afrique est donc un phénomène aux multiples facettes, dont les causes sont profondément enracinées dans les contextes socio-économiques, politiques et culturels du continent. Ses effets sont ambivalents : s’il permet de mobiliser davantage de citoyens, il peut aussi fragiliser les démocraties naissantes.
Pour préserver la stabilité du continent, les pays africains doivent trouver un équilibre entre l’expression des aspirations populaires et le renforcement de leurs institutions démocratiques. Il en va de l’avenir de la gouvernance africaine et de la résilience des États face aux défis du XXIe siècle.
Bakary Fomba
En savoir plus sur Sahel Tribune
Subscribe to get the latest posts sent to your email.