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Mobilisation générale en Algérie : un signal politique dans un climat de tensions régionales accrues

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En adoptant une nouvelle loi encadrant les conditions de mobilisation générale, le pouvoir algérien entérine un cadre juridique lui permettant de basculer dans l’état de guerre. Une initiative qui intervient dans un contexte géopolitique chargé, marqué par les tensions persistantes avec Rabat et Paris.

Le calendrier n’est pas anodin. Dimanche 20 avril 2025, à l’issue d’un Conseil des ministres, le gouvernement algérien a adopté un projet de loi relatif à la mise en œuvre de la mobilisation générale. Ce texte, qui s’inscrit dans les dispositions prévues par l’article 99 de la Constitution, formalise les modalités d’organisation, de préparation et d’exécution d’un basculement potentiel vers une situation de guerre, en cas de péril majeur.

La présidence algérienne, relayée par l’agence officielle Algérie Presse Service et confirmée par le média indépendant TSA, justifie cette décision par la nécessité de disposer d’un arsenal juridique clair en matière de sécurité nationale. Ce projet était déjà en discussion depuis octobre 2024.

Un corpus juridique élargi en cas de crise majeure

L’article 99 s’inscrit dans une série de dispositions constitutionnelles (articles 97 à 102) permettant au président de la République, Abdelmadjid Tebboune, de décréter différents états d’exception : état d’urgence, de siège, d’exception ou de guerre. L’article 100 lui permet même, en cas d’agression imminente ou effective, de déclarer officiellement l’état de guerre et d’en informer la Nation.

Si le gouvernement algérien affirme s’inscrire dans un cadre de « préparation institutionnelle », l’adoption de cette loi intervient dans un environnement régional fortement tendu. Depuis des décennies, Alger et Rabat s’opposent sur la question du Sahara occidental. Ce territoire, contrôlé par le Maroc, est revendiqué par les indépendantistes du Front Polisario, soutenus par l’Algérie. Depuis la rupture du cessez-le-feu en novembre 2020, la zone est régulièrement le théâtre d’escarmouches militaires, attisées par les divergences diplomatiques croissantes.

L’hostilité s’est intensifiée après que la France a officiellement soutenu le plan d’autonomie marocain, par la voix du président Emmanuel Macron, dans une lettre adressée au roi Mohammed VI en juillet 2024. Alger a immédiatement dénoncé cette prise de position, y voyant une « caution au fait colonial » et a rappelé son ambassadeur à Paris.

Préparation ou intimidation ?

Au-delà du Maghreb, les relations franco-algériennes continuent de se dégrader. Entre accusations de « mensonges sur la colonisation », arrestations d’écrivains dissidents comme Boualem Sansal, expulsions migratoires litigieuses, et crise des influenceurs franco-algériens, la défiance s’est installée. Les échanges diplomatiques sont minés par une série de tensions bilatérales, tant sur le plan sécuritaire que culturel.

Sur un autre front, les relations entre le Mali et l’Algérie se sont considérablement dégradées au cours des derniers mois, révélant une fracture géopolitique de plus en plus béante. À Bamako, les autorités de transition accusent ouvertement Alger de jouer un double jeu : d’un côté, se poser en médiateur du processus de paix ; de l’autre, accorder une bienveillance silencieuse à certains groupes armés touaregs et figures politiques maliennes exilées, à l’instar de l’imam Mahmoud Dicko, perçu comme un opposant déstabilisateur. Point d’orgue de cette crise diplomatique, l’abattage, en avril 2025, d’un drone militaire malien, dans la région de Kidal, par la défense anti-aérienne algérienne à proximité de la frontière commune, à Tinzaouatène. 

L’incident a provoqué le rappel immédiat des ambassadeurs et une escalade verbale sans précédent, chaque capitale accusant l’autre de menées hostiles. À cela s’ajoutent les enjeux sécuritaires autour des zones frontalières riches en hydrocarbures, ainsi que des visions divergentes quant à la gestion militaire du Sahel. La perspective d’un affrontement direct, bien que peu probable à ce stade, alimente les inquiétudes dans une région déjà fragilisée par l’emprise terroriste et l’effritement des mécanismes de coopération régionale.

La mise en place d’un cadre légal pour une mobilisation générale relance donc les spéculations sur les intentions stratégiques d’Alger. Est-il question d’une réelle anticipation d’un conflit ou d’un signal de fermeté adressé à ses voisins et partenaires internationaux ?

Dans un pays où la question militaire reste hautement sensible, cette initiative s’apparente autant à une mesure de souveraineté qu’à un message politique. À la veille de potentielles recompositions régionales, l’Algérie rappelle qu’elle est prête à activer tous les leviers institutionnels pour défendre ce qu’elle considère comme ses lignes rouges.

A.D


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