L’État malien a officialisé le rachat des 80 % d’actions détenues par Sadex dans la Société des Mines de Yatela, devenant ainsi le seul propriétaire du site. Face à la chute des cours de l’or et à l’abandon des multinationales, le Mali s’engage à réhabiliter la mine et à assumer les projets communautaires en suspens, dans une tentative de reprendre le contrôle de ses ressources minières.
L’or, cette richesse qui a fait tourner tant de têtes et généré tant de promesses au Mali. La mine de Yatela, autrefois perçue comme une mine d’or (sans mauvais jeu de mots), incarne aujourd’hui le revers de la médaille. Créée en 2000, la société des Mines de Yatela avait tout pour briller, avec ses 80 % de capital détenus par des géants internationaux comme Anglogold-Ashanti et Iamgold, et ses 20 % restants dans les mains de l’État malien. Tout semblait indiquer que cette aventure allait prospérer. Mais comme souvent, les aléas du marché et la réalité des affaires minières ont montré que tout ce qui brille n’est pas d’or.
L’État se retrouve avec une mine fermée
En 2013, c’est la douche froide : le cours de l’or chute brutalement, et ce qui était une mine d’opportunités se transforme en un gouffre. Résultat des courses ? L’arrêt des activités en 2016, alors même que les réserves d’or de Yatela n’étaient pas encore épuisées. On aurait pu s’imaginer que ces grandes multinationales, armées de leurs moyens colossaux, auraient trouvé une solution pour sauver la situation. Mais non, elles ont préféré tourner les talons. L’État malien, lui, n’a pas eu le choix. Plutôt que de voir cette mine s’éteindre complètement et les emplois partir en fumée, il a tenté de sauver les meubles.
C’est ainsi qu’en 2019, après des négociations, l’État malien a racheté les 80 % de capital détenus par la Sadex, filiale des grands groupes miniers sud-africain et canadien. Cette décision, officialisée par le décret récemment adopté par le Conseil des Ministres, consacre le Mali comme seul propriétaire de la mine de Yatela. Mais quelle ironie : au lieu de racheter un actif prospère, l’État se retrouve avec une mine fermée, des coûts de réhabilitation à gérer, et la responsabilité de financer des projets sociaux et communautaires.
Les conséquences d’une exploitation qui n’aura pas été dorée
On pourrait presque se demander si l’État n’a pas hérité d’un cadeau empoisonné. En rachetant les parts de la Sadex, il se retrouve désormais avec la lourde tâche de remettre en état un site minier abandonné, d’en assumer les conséquences environnementales et de s’occuper des projets communautaires laissés en suspens. Tout cela, alors que les multinationales se retirent, en bons gagnants de cette partie de poker minier, en laissant derrière elles un site à l’abandon et des promesses non tenues.
Il est pourtant légitime que le Mali veuille récupérer le contrôle de ses ressources. C’est même une démarche louable. Mais il y a quelque chose de profondément frustrant à voir l’État contraint de réparer les dégâts laissés par des groupes étrangers qui, eux, n’ont pas hésité à s’enrichir pendant que le cours de l’or était à son apogée. Et maintenant, qui paiera la facture ? Ce sont les Maliens, bien sûr, qui devront assumer les conséquences d’une exploitation qui, en fin de compte, n’aura pas été aussi dorée qu’annoncée.
Continuité des désillusions minières
Ce n’est pas un simple achat d’actions. C’est la preuve, une fois de plus, que l’exploitation minière en Afrique profite souvent davantage aux investisseurs étrangers qu’aux pays hôtes. L’État malien devra donc faire preuve de vigilance et d’anticipation pour s’assurer que la gestion de Yatela ne devienne pas un autre dossier coûteux qui pèse sur les finances publiques. Peut-être que cette acquisition sera le point de départ d’une nouvelle ère, où le Mali pourra enfin tirer profit de ses ressources de manière autonome et durable.
Mais pour l’instant, Yatela ressemble plus à une leçon qu’à un trésor : l’or est certes précieux, mais sa gestion l’est encore plus. Que cette cession d’actions soit le début d’une prise de contrôle souveraine et avisée, et non la continuité des désillusions minières au Mali.
Oumarou Fomba
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