Alors que le complexe aurifère de Loulo-Gounkoto joue un rôle stratégique dans l’économie malienne, un contentieux croissant oppose Barrick Gold Corporation au gouvernement de transition. Arrestations d’employés, exportations d’or suspendues, accord bloqué. Le groupe minier dénonce une escalade politique et fiscale qui menace l’avenir du partenariat public-privé au Mali. En toile de fond, la question cruciale de la souveraineté économique dans une Afrique en quête de nouveaux équilibres.
Au Mali, où le sous-sol vaut parfois plus que l’horizon politique, un bras de fer inédit se joue entre l’État souverain et l’un des plus puissants groupes miniers au monde. En ligne de mire, des intérêts économiques colossaux, des employés emprisonnés, et un protocole d’accord bloqué. Une situation explosive qui pourrait redessiner les contours du partenariat public-privé en Afrique.
Quand l’or devient otage d’un différend d’État
À Bamako, les bureaux de Barrick Gold Corporation ont été récemment fermés manu militari, sur instruction directe des autorités maliennes, indique la société minière dans un communiqué du 15 avril 2025. Dans le viseur, l’inaction présumée du géant canadien face à des obligations fiscales impayées. Mais Barrick réplique : comment honorer des impôts sur des revenus que le gouvernement empêche lui-même de générer, via un blocage des exportations d’or ?
Le groupe, coté à la Bourse de New York (NYSE : GOLD) et à Toronto (TSX : ABX), dénonce une « escalade » des tensions, alimentée par « un petit groupe d’individus » plaçant leurs intérêts personnels au-dessus de ceux du Mali. Plus inquiétant encore, quatre employés maliens de Barrick seraient toujours détenus « sans justification ni perspective de solution rapide ».
Un accord accepté… mais jamais signé
Selon Barrick, tout était prêt. En février 2025, un protocole d’accord avait été négocié et accepté par le ministère malien de l’Économie et des Finances. La société minière affirme même avoir signé ce texte. Pourtant, côté gouvernement, silence radio. « Un silence pesant, qui devient paralysant », glisse un observateur avisé du secteur minier local.
En toile de fond, un contentieux latent autour du complexe minier de Loulo-Gounkoto, joyau aurifère du pays. Barrick y a déjà injecté 85 millions de dollars dans le cadre d’un accord global censé solder tous les litiges.
Un partenaire ou un otage économique ?
En termes choisis mais fermes, Barrick rappelle son rôle de « partenaire engagé » du peuple malien. Salaires maintenus, chaîne d’approvisionnement assurée, soutien aux PME locales. L’entreprise met en avant son ancrage territorial. « Nous avons honoré nos engagements, même en période d’incertitude », insiste le communiqué.
Mais la patience a des limites. Barrick prévient que si le dialogue reste stérile, l’entreprise « poursuivra la voie de l’arbitrage international ». Traduction, les juridictions économiques internationales pourraient bientôt être saisies, avec des conséquences financières et diplomatiques incalculables pour le Mali.
L’enjeu d’un leadership responsable
À l’heure où l’Afrique s’interroge sur sa souveraineté économique, ce conflit dépasse le simple cadre d’un litige fiscal. Il questionne le modèle même du partenariat public-privé dans les pays riches en ressources naturelles. Faut-il encore croire au « win-win » (gagnant-gagnant) entre État et multinationales ? Ou assiste-t-on à la fin d’un cycle, celui où les contrats miniers se signaient à huis clos, loin des projecteurs citoyens ?
Barrick, de son côté, exhorte les autorités à agir « dans l’intérêt du peuple malien ». À défaut, c’est tout un pan de l’économie nationale — plus de 8 % du PIB — qui pourrait s’effondrer comme un château de cartes.
A.D
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