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Le Mali : de la tutelle partielle à la tutelle intégrale de la France derrière le voile de la CEDEAO

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Depuis l’opération Serval au Mali, entreprise officiellement pour empêcher des groupes terroristes installés dans la région de Kidal et menaçant la survie même de l’État malien et de ses voisins du Sahel, après avoir annexées presque cinq (5) régions sur huit (8) que comptaient le pays, à cause de l’abandon de poste des militaires engagés sur le champ de bataille, les uns pour venir soutenir la mutinerie de Kati ayant vite prise la forme d’un coup d’État consacré par la démission du président ATT sous le parrainage de la CEDEAO. N’est-il pas surprenant de voir la même organisation s’opposer avec énergie contre la démission de celui qui a succédé à ATT au prétexte que cette demande légitime du peuple serait contre la constitution ? L’organisation n’est-elle pas dans une manœuvre ? Pour qui ? Visiblement pas pour les peuples. Peut-être pour la France déguisée en une nébuleuse communauté internationale.

Le coup d’État de 2012 et le renversement du régime ATT sont eux même des conséquences directes de la déstabilisation de la Libye par les puissances occidentales au prétexte de protéger les civils de la folie meurtrière d’un dictateur. Mais la finalité n’était-elle pas d’éliminer physiquement le Colonel Kadhafi parce qu’il constituait une menace sérieuse aux intérêts des puissances libérales.

Après avoir libéré les grandes villes occupées par les groupes armés en compagnie des FAMA, la France installe le MNLA à Kidal qu’elle a pris le soin de dissocier des autres groupes armés désignés terroristes. Au prétexte que ce dernier, contrairement aux autres groupes, ne porte que des revendications sociales et politiques qu’elle a jugées légitimes. Pour obliger le pouvoir de Bamako à négocier avec son allié, le MNLA, la France sous le masque de la communauté internationale interdit aux autorités maliennes et à leurs forces armées, l’accès à Kidal. Ce qui, pendant longtemps et d’ailleurs même aujourd’hui continue à susciter chez les Maliens la révolte. Ils se demandent si Kidal appartient au Mali ou à la France? Ne craignent-ils pas que Kidal ne soit ce qu’Israël a été et reste encore pour la Palestine ? Leur crainte n’est-elle pas légitime surtout lorsque l’on sait les agissements de ce petit pays à l’égard de la Palestine sous le regard complice parfois même coupable de la communauté internationale ? L’État d’Israël et ses alliés occidentaux ne sont-ils pas responsables de tous les problèmes des régions du Moyen-Orient et du Proche-Orient ?

Ce qu’il convient de nommer la tutelle partielle de la France du Mali s’explique par sa main mise sur l’économie à travers le contrôle de la monnaie et désormais depuis près de dix ans son contrôle militaire du pays de Modibo KEITA qui a choisi de mourir que de trahir son peuple. Le mode opératoire de la France vise à cacher soigneusement son projet de recolonisation du Mali en prétextant qu’elle est venue l’aider à se libérer du terrorisme. Malgré la clairvoyance de certains hommes politiques étiquetés de radicaux comme Omar Mariko, le PR français, François Hollande a été accueilli en héros. À la tutelle économique, la France est venue greffer désormais une autre, la tutelle sécuritaire. Au fait, la sécurité vient renforcer les affaires économiques des grandes entreprises françaises. Le but de ce retour militaire de la France au Mali et au-delà dans le Sahel vise également à empêcher d’autres puissances de lui subtiliser ce qu’elle considère être son héritage. C’est dans cette optique qu’il est possible de dire que nos frères et amis touaregs se trouvent eux-mêmes piégés par une élite complice du projet de recolonisation du Mali au prétexte que le pouvoir central serait injuste vis-à-vis de la minorité touareg. Tous les maliens, de toutes les régions et de toutes les ethnies souffrent des mêmes maux à cause de la cupidité de l’élite politique et administrative. Où sont partis les milliards déversés au nord de 1992 à nos jours ? L’idée d’une exception de la condition des touaregs dans notre pays relève de la manipulation politicienne visant à légitimer le projet séparatiste de l’élite touareg alors qu’il n’en est absolument rien.

Ainsi, à la faveur de l’intervention et de son corolaire, l’occupation de Kidal par le fameux MNLA avec la bénédiction de l’ancienne métropole, les autorités maliennes, de Dioncounda à IBK, ont placé gracieusement notre pays, par crainte de perdre le pouvoir, sous la tutelle militaire de la France à travers la signature d’un Accord de défense militaire et peut être aussi par celle des accords tenus secrets au peuple malien. La visite du jeune PM Moussa Marra n’était-elle pas une manœuvre dont le seul et unique dessein était de renfoncer la tutelle militaire de la France ? La prétendue guerre civile, entre peuls et dogons, au centre du pays, ne participe-t-il pas à la même logique, celle qui vise à légitimer la présence militaire de la France dans le Sahel en tout cas au Mali ? Dans un certain sens, un pays qui ne contrôle pas son économie est déjà dans la pleine servitude. Lorsque l’on associe, à la domination économique, la tutelle sécuritaire, ce pays, dans une telle perspective, perd totalement sa souveraineté. Cependant, si l’on navigue à contrecourant des paradigmes d’une telle orientation, celle du marxisme, en faisant prévaloir la politique sur l’économie, l’idée que la domination économique et militaire que la France exerce sur notre pays prend tout son sens. Elle trouve son sens dès lors que l’on regarde de près les résolutions de la médiation de la CEDEAO à travers la mission des ministres des Affaires étrangères, celle de la délégation des experts en droit constitutionnel, notifiées aux Maliens par la visite de cinq chefs d’État, visite à laquelle ont pris part les présidents du Nigéria, du Ghana, de la Côte d’Ivoire, les présidents du Sénégal et du Niger, résolutions entérinées par la conférence extraordinaire virtuelle de tous les présidents des quinze (15) pays membres de l’organisation ouest-africaine, tenue le lundi 27 juillet 2020 sous la présidence du Niger.

Ces mesures « policières » plus la dernière sortie musclée du président, au lieu de sortir le Mali de la crise qui le secoue depuis plusieurs années, crise exacerbée depuis des semaines, risquent de l’enfoncer dans le bourbier sécuritaire, économique, social et politique et donc le précipiter dans la gueule du loup, la France, qui attend impatiemment sa proie. Mais au juste quelle est la nature exacte des décisions prises par la conférence extraordinaire virtuelle des chefs d’État des pays membres de la CEDEAO ? Les résolutions policières qu’elle a arrêtées, à titre de rappel, sont entre autres la démission des 31 députés contestés dont le bouillant Moussa TIMBINE et donc conséquemment la tenue d’élection législative partielle, la mise en place d’un gouvernement restreint et son ouverture à ceux qui veulent y prendre part, l’ouverture d’enquêtes et de poursuites judiciaires pour situer les responsabilités dans les tueries et destruction des biens publics du 10 et 11 juillet 2020 et des jours suivants ainsi que des sanctions contre ceux qui vont entraver la mise en œuvre de ce plan de sortie de crise.

Visiblement, elles ont peu de vertus parce que contre la posture horizontale, elles ont préféré la posture verticale. Elles prétendent calmer le plus rapidement que possible la crise, mais elles ne feront radicaliser la position et des éléments de la majorité qui sont concernés et les responsables et militants du M5-RFP. D’ailleurs, dès le soir de la conférence, la liste des membres du cabinet restreint a été publiée. Il compte seulement six ministres. Cependant, leur premier problème, c’est que les porteurs de certains postes sont des hommes controversés. La liste commence par le PM, lui-même, pour sa gestion calamiteuse de l’école et son éventuelle implication dans les tueries du 10, 11 juillet 2020 et jours suivants. S’il a été proposé au PR par certains de ceux qui sont contre lui aujourd’hui après le départ de S. Boubeye MAIGA, c’est une véritable aberration que de rendre ces personnes responsables de sa gestion du pouvoir. Celui de la justice dont les Maliens se souviennent encore de sa gestion douteuse de la CENI sous le Président Alpha Omar KONARE en 1997 et pour sa prise de position ouverte pour le Président de la République au moyen d’un cynisme inégalé surtout de la part de celui qui a juré ne défendre que les droits des hommes et donc aussi le droit à la vie et à contester le pouvoir, des droits qu’il a lui-même œuvrer à inscrire dans la constitution du 25 février 1992. De mémoire, le dernier, c’est le ministre chargé de la sécurité intérieure démis de ses fonctions de chef d’État major pour incapacité à n’avoir pas pu empêcher le massacre d’Ogossagou dans la région de Mopti.

Le point relatif à la démission des députés est assez troublant pour plusieurs raisons. Dans un premier temps, on voit bien que la CEDEAO se substitue au PR non pas en faisant recours à la constitution qu’elle appelle de tout son vœu, mais en la torpillant lorsque cela est en faveur du PR comme si elle disposait d’un pouvoir exceptionnel à outrepasser la constitution ou pire comme si le Mali était placé sous sa tutelle. Aussi ne prévoit-elle pas des sanctions contre tous ceux qui vont se mettre à travers de ce plan de sortie de crise.

Si la France déguisée en CEDEAO peut être sans le vouloir, ne fait pas attention, elle risque d’enfoncer le Mali dans la guerre civile, qui mine déjà une bonne partie de son territoire depuis des années sous les yeux voire les pieds des forces de la MINUSMA, celles de BARKHANE, du G5 Sahel et des forces armées maliennes impuissantes parce que mal formées, sous équipées, mal renseignées, sous alimentées et donc démotivées malgré le financement de la loi de programmation militaire à plus de mille milliards (1000.000.000. 000) de francs Cfa. Pour le dire autrement, en faisant prévaloir le colmatage juridique sur la solution politique fondée sur un dialogue politique endogène et inclusif, non pas dans le discours, comme l’ont été des précédents, mais dans les faits. C’est-à-dire un dialogue politique qui va réunir toutes les forces vives de la nation qu’elles soient pour ou contre le pouvoir, dialogue prévalant la République, le bien de tous, sur les intérêts des individus ou mêmes des groupes. Les pays voisins, frères, amis et partenaires du Mali se sont disqualifiés de la recherche de solutions pour sortir le Mali de la crise. De plus en plus, nombreux sont les Maliens qui ont le sentiment que leur souci, loin d’être leur liberté et leur bien-être, vise exclusivement à sauver le pouvoir d’un homme, et à travers lui les intérêts de certaines puissances internationales comme la France.

Ne faut-il pas craindre de voir s’exacerber ce que les autorités françaises ont nommé, il y a peu de temps, le sentiment anti-français ? Ce terme lui-même ne relève-t-il pas de la logique de ce que Rancière appelle la « police », logique qui vise à imposer de manière exclusive l’ordre français ? Les Maliens sont-ils contre la France ? Les Maliens ne sont pas contre la France. C’est elle même qui est gourmande, arrogante et égoïste. Ils ne sot pas contre la France, mais ils sont d’abord pour eux-mêmes. Le général De Gaule ne disait-il pas que la France n’a pas d’amis, elle n’a que des intérêts. Ne pas être contre la France et être pour soi même requiert, non pas un rapport de vassalité, mais un partenariat où toutes les parties tirent leurs comptes. Ce qui est désigné par le pouvoir français sous le nom du sentiment anti-français n’est ni plus ni moins, que la revendication d’un cadre de partenariat où la France est appelée à céder la part des Maliens. Leur revendication fondamentale n’est-elle pas la redistribution des parts de telle sorte que celui qui n’a pas de part ait sa part. Ils réclament la liberté, et l’égalité et des peuples et des citoyens pris à l’intérieur du même pays.

Au lieu de soutenir ces valeurs qui sont si chères aux deux peuples frères, la France le sait plus que n’importe quel autre pays, lorsque l’on se souvient de 1789 et de 1871, elle préfère rester dans les eaux troubles des affaires occultes de la Françafrique dont le PR ivoirien en est le représentant attitré après la chute de Blaise Compaoré. On se souvient encore comment il est arrivé au pouvoir en 2011. Ne travaille-t-il pas à maintenir les pays de l’UEMOA sous la domination économique de la France ? Ce qui risque d’exposer la France à la colère du peuple du Mali qui ne veut plus se soumettre, mais rester debout, ou bien elle va se rendre responsable d’un autre génocide après celui du Rwanda. Pour éviter une telle situation, il est vraiment temps qu’elle choisisse entre le Mali éternel, décidé à assumer sa révolte au prix du sacrifice ultime et un homme et son régime corrompus et donc ayant perdus toute légitimité et toute légalité pour s’être rendu coupable de haute trahison.

Bakabigny KEITA, Professeur de philosophie politique  


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