En moins de deux semaines, le Mali a vu disparaître une figure historique, et deux anciens Premiers ministres rattrapés par la justice, signe qu’au Mali de la Transition, la politique n’exempte plus de l’obligation de rendre des comptes.
Le Mali n’avait pas connu pareille densité politique depuis des mois : en l’espace de quelques jours, la capitale malienne a vu s’enchaîner la mise en garde à vue d’un ancien Premier ministre, la disparition d’une figure historique du mouvement démocratique, et l’incarcération d’un autre ex-chef du gouvernement. Trois événements qui, loin de traduire une crise improvisée, s’inscrivent dans la volonté des autorités de la Transition de restaurer une gouvernance rigoureuse.
Choguel face aux enquêteurs
Vendredi 1er août 2025, Choguel Kokalla Maïga avait déjà fait un premier passage devant la brigade du Pôle national économique et financier. Convoqué de nouveau ce mardi 12 août pour des confrontations annoncées avec d’anciens collaborateurs, il a patienté cinq heures avant que la procédure ne prenne une tournure plus ferme : placement officiel en garde à vue, le temps pour les enquêteurs de boucler leur dossier et de le transmettre aux autorités judiciaires compétentes, selon un communiqué signé de son avocat, Maître Cheick Oumar Konaré, Avocat au barreau du Mali.
Dans le viseur : des soupçons d’atteinte aux biens publics issus d’un rapport du Vérificateur général. Mais, précise son avocat Me Cheick Oumar Konaré, l’ancien chef de la Primature bénéficie de tous les égards dus à son rang et reste présumé innocent. Ses proches, dont l’ancien directeur de cabinet Issiaka Ahmadou Singaré et trois ex-directeurs administratifs et financiers, sont également concernés par cette mesure.
La disparition d’un vétéran politique
Le même jour, la nouvelle est tombée de Paris : Tiébilé Dramé, ancien ministre des Affaires étrangères, ex-président du PARENA et militant de la première heure du combat démocratique, s’est éteint. Pour beaucoup, il incarnait cette génération d’hommes politiques forgés dans les luttes estudiantines des années 1980, puis propulsés au premier plan à la faveur de l’ouverture démocratique. Même si ses prises de position récentes avaient parfois divergé de la ligne officielle, il restera dans l’histoire comme un artisan du Mali pluraliste.
Moussa Mara derrière les barreaux
Dans ce climat déjà chargé, le 1er août avait aussi vu l’inculpation et le placement sous mandat de dépôt de Moussa Mara (Premier ministre de 2014 à 2015). L’homme, aujourd’hui président du parti Yelema, est poursuivi pour « atteinte au crédit de l’État » et « opposition à l’autorité légitime » après avoir publiquement exprimé son soutien à plusieurs personnalités incarcérées pour des critiques jugées infondées et déstabilisatrices envers la Transition.
Son style : un discours mesuré, mais une activité soutenue sur les réseaux sociaux et lors de conférences internationales. Une visibilité qui, pour les autorités, ne peut exonérer de la responsabilité de respecter les lois et les institutions. Son procès est prévu pour le 29 septembre prochain.
Une Transition qui trace sa voie
Au Mali, ces dossiers ne sont pas perçus comme des règlements de comptes, mais comme l’affirmation d’un principe : nul, aussi prestigieux soit-il, n’est au-dessus de la loi. Dans un Mali confronté aux défis sécuritaires et à la nécessité de redresser un État fragilisé, la Transition conduite par le général Assimi Goïta entend conjuguer fermeté et légalité, quitte à bousculer certains repères du jeu politique.
En quelques jours, la scène politique malienne a perdu un vétéran respecté, vu deux anciens Premiers ministres confrontés à la justice, et confirmé que l’heure est à la discipline et à la redevabilité. Les règles du jeu changent : désormais, l’immunité politique ne protège plus contre les rigueurs de la loi.
Dissolution des partis politiques
Le 13 mai 2025, par décret présidentiel, les autorités de la Transition dirigées par le général Assimi Goïta ont annoncé la dissolution de l’ensemble des partis et organisations à caractère politique — environ 300 au total — mettant un terme au multipartisme hérité de la démocratisation de 1992.
Cette décision, qui s’inscrit dans le sillage des réformes de refondation adoptées lors des Assises nationales de 2021, répond selon les autorités de la transition, à la nécessité de « réorganiser le paysage politique de façon sereine » et en cohérence avec l’option de souveraineté revendiquée par Bamako. Elle est intervenue quelques jours après une manifestation, le 3 mai, regroupant une centaine de militants opposés à cette perspective.
Le décret a abrogé la charte encadrant la vie, la création et le financement des partis. Si l’opposition a réagi par une série de recours judiciaires, les tribunaux civils de Bamako les ont rejetés en première instance, et les procédures d’appel, y compris devant la Cour suprême, sont toujours en cours.
Pour le pouvoir, cette rupture avec le système partisan traditionnel constitue une étape vers un nouveau cadre institutionnel, débarrassé des logiques clientélistes et recentré sur l’intérêt national.
A.D
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