À Bamako, le suicide d’une jeune lycéenne secoue l’opinion publique et révèle un mal silencieux : la détresse psychologique des élèves face aux pressions familiales et scolaires. Derrière le geste tragique d’Awa Diarra, c’est toute une jeunesse en quête d’écoute et de soutien qui interpelle une société encore sourde aux souffrances invisibles.
Bamako, 24 avril 2025. Dans un établissement ordinaire de la capitale, un drame extraordinaire s’est joué à l’heure où le soleil à peine levé inondait la ville. Awa Diarra, jeune élève en classe de terminale Sciences Exactes au Complexe scolaire privé Bagnélé Diarra de Dioumanzana-Nafadji, a mis fin à ses jours. Il était 9h10.
Ce suicide, comme tant d’autres hélas trop souvent tus, n’a pas seulement endeuillé sa famille, ses camarades et ses enseignants. Il vient cruellement rappeler, au cœur d’une société malienne en quête de repères, les fractures invisibles qui rongent la jeunesse : pression familiale, solitude psychologique, absence de dispositifs de soutien adaptés.
Dans une lettre manuscrite retrouvée dans son cartable, empreinte d’une innocence désarmante, Awa adresse un ultime message d’amour à sa mère. Quelques lignes, griffonnées avec l’urgence de ceux qui n’ont plus la force de porter leur douleur : « Maman, je t’aime, pardonne-moi. » Au fil de mots tremblants, elle évoque une profonde dépression familiale, sans jamais accuser quiconque, mais en laissant deviner l’épaisseur du silence et de l’incompréhension.
Un drame révélateur d’un mal-être collectif
Le directeur général de l’établissement, M. Mahamadou Diallo, dans une lettre officielle adressée à la directrice de l’Académie d’enseignement de Bamako Rive Gauche, a exprimé sa profonde tristesse et ses condoléances, tout en rappelant l’absence de signes apparents annonciateurs de ce geste fatal. Dans cette missive officielle empreinte de pudeur, l’école a souligné l’urgence d’une réponse collective face aux détresses silencieuses qui minent les bancs d’école.
Car au-delà du chagrin individuel, c’est une alerte nationale qui se profile. Combien d’élèves, écrasés par la double pression académique et familiale, oscillent aujourd’hui au bord du gouffre, dans l’indifférence générale ? Combien subissent des injonctions de réussite déconnectées de leur bien-être émotionnel ?
Dans un Mali en transition, où les défis sécuritaires et économiques monopolisent les énergies, la santé mentale demeure une grande absente des politiques publiques. Peu d’écoles disposent de psychologues scolaires ; rares sont les campagnes nationales de sensibilisation à la dépression ou au suicide des jeunes. Pourtant, l’acte d’Awa, tragique et irréversible, impose d’ouvrir enfin ce débat longtemps évité.
Un dernier message d’amour
Awa n’a pas crié vengeance. Elle n’a accusé personne. Jusqu’au bout, elle a choisi l’amour : « Je demande pardon à ma maman. » Un pardon qui serre la gorge et oblige chacun — parents, enseignants, décideurs — à interroger ses propres responsabilités.
Son geste désespéré doit désormais trouver un écho au-delà de l’émotion immédiate. Il est urgent d’écouter cette jeunesse souvent étouffée, d’instituer un véritable accompagnement psychologique dans les écoles, et de réconcilier l’exigence éducative avec la bienveillance humaine.
Au Mali, le suicide reste une tragédie silencieuse. Selon les chiffres publiés par l’Organisation mondiale de la santé en 2020, environ 8 personnes sur 100 000 mettent fin à leurs jours chaque année, soit 806 décès recensés, représentant près de 0,6 % des causes de mortalité dans le pays. Toutefois, il est difficile de mesurer précisément l’ampleur du phénomène dans les écoles. Nous n’avons pu avoir accès à aucune statistique officielle spécifique au suicide en milieu scolaire.
À Bamako comme ailleurs, nul ne devrait mourir d’avoir trop souffert en silence.
La rédaction
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