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Mali – Diplomatie en péril : la gestion trouble de l’Ambassade du Mali à Abu Dhabi sous le feu des projecteurs

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Entre opacité et irrégularités financières, un rapport explosif du Vérificateur Général accable l’Ambassade du Mali aux Émirats Arabes Unis. 

C’est un document accablant qui vient d’être publié par le Bureau du Vérificateur Général (BVG) du Mali. Un rapport de vérification financière sur la gestion de l’Ambassade du Mali à Abu Dhabi pour la période 2021-2024 met en lumière une série de dysfonctionnements et d’irrégularités financières impliquant directement l’Ambassadeur et le Secrétaire Agent Comptable. Le montant total des anomalies détectées s’élève à plus de 202 millions de FCFA. À trois mois de la fin de la présidence malienne de la Confédération des États du Sahel (AES), ce scandale vient ternir l’image d’un pays qui cherche à renforcer son influence diplomatique.

Une gestion en roue libre

La mission diplomatique malienne aux Émirats Arabes Unis, créée en 2016, est censée jouer un rôle clé dans le développement des relations entre Bamako et Abu Dhabi, un partenaire stratégique du Mali. Mais selon le BVG, la gestion administrative et financière de cette représentation relève plus du laisser-aller que d’un service d’État structuré. « L’Ambassade ne transmet pas dans le délai requis sa comptabilité à la Paierie Générale du Trésor », pointe le rapport, précisant que certains documents comptables accusent un retard de transmission de plus de 555 jours.

Les pratiques douteuses s’accumulent. Des frais de location et d’ameublement indument pris en charge, des factures médicales non justifiées, et surtout, des retraits en espèces sur le compte de l’Ambassade sans justificatifs valables. Pire encore, le rapport indique que des fonds de l’Ambassade ont été virés directement sur le compte personnel de l’Ambassadeur.

Des dépenses fictives et des fonds détournés

Le Bureau du Vérificateur Général ne mâche pas ses mots. Plusieurs dépenses justifiées dans les comptes de l’Ambassade sont purement fictives. C’est le cas notamment des frais scolaires des enfants de diplomates. Un montant de 4,8 millions de FCFA a été viré sur le compte personnel de l’Ambassadeur au titre de frais de scolarité déjà réglés en mars 2023. Un autre paiement de 2,4 millions de FCFA, justifié en décembre 2023, s’est avéré inexistant lorsque l’établissement concerné a relancé l’Ambassade pour impayés en mars 2024.

Autre fait troublant : des retraits de plus de 34 millions de FCFA effectués sur le compte de l’Ambassade sans la moindre pièce justificative. « Ces fonds ont été encaissés via des chèques libellés à l’ordre de l’Ambassadeur et du Secrétaire Agent Comptable », révèle le BVG, soulignant un manque total de transparence dans la gestion des ressources diplomatiques.

Des salaires fictifs et des pratiques douteuses

Le scandale ne s’arrête pas là. Entre 2022 et 2024, une ligne budgétaire de 1,5 million de FCFA par mois a été virée sur le compte de l’Ambassade pour couvrir des cotisations sociales. Problème : selon la législation des Émirats Arabes Unis, les employés étrangers ne peuvent pas cotiser à un régime de sécurité sociale local. Autrement dit, 49,5 millions de FCFA ont été envoyés à Abu Dhabi sans qu’on ne sache où est passé cet argent.

Autre révélation embarrassante : trois agents de l’Ambassade ont été licenciés en 2023, mais leurs salaires ont continué à être versés. Le montant des rémunérations indûment perçues s’élève à près de 6 millions de FCFA, et le BVG pointe du doigt des signatures falsifiées sur les états de paiement.

Une réaction attendue de Bamako

Face à ces révélations, la question qui se pose est la suivante : quelle sera la réaction du gouvernement malien ? Les affaires impliquant la gestion des représentations diplomatiques du Mali ne sont pas nouvelles, mais rarement un rapport du BVG aura été aussi explicite dans ses accusations. Si l’Exécutif venait à ignorer ces faits, cela enverrait un message désastreux quant à sa volonté de lutter contre la corruption.

En attendant, cette affaire met en lumière les failles d’un système diplomatique malien gangréné par le laxisme et le manque de contrôle, alors même que Bamako cherche à renforcer sa place sur la scène internationale à travers la Confédération des États du Sahel (AES). À quelques mois du prochain sommet de l’AES, il est difficile de ne pas voir dans cette affaire une ombre pesante sur la crédibilité du Mali à l’international.

A.D 


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