En commémorant les martyrs du 26 mars 1991, le Mali de la Transition ne se contente pas d’honorer son passé. Il cherche, dans la mémoire collective, les fondations d’un avenir souverain et pacifié.
Il y a des dates que les nations ne célèbrent pas seulement pour honorer le passé, mais pour se redire à elles-mêmes ce qu’elles veulent devenir. Le 26 mars, au Mali, appartient à cette catégorie rare. Ce mercredi 26 mars 2025, trente-quatre ans jour pour jour après la chute du régime de Moussa Traoré, le général Assimi Goïta, Président de la Transition, a présidé la Journée des Martyrs. Une cérémonie sobre, solennelle, encadrée par la hiérarchie militaire et les plus hautes autorités de la Transition.
La mémoire, comme devoir politique
Mais derrière le rituel du dépôt de gerbe et les discours attendus, c’est une autre lecture, plus subtile, qu’il convient de poser sur cet événement, celle d’un État qui tente, une nouvelle fois, de se redéfinir. Car commémorer 1991 en 2025, ce n’est pas seulement rappeler une rupture démocratique. C’est se demander ce qu’il reste aujourd’hui de cette promesse, et comment la Transition actuelle peut en être l’héritière – ou la réformatrice.
En se rendant au monument des Martyrs, le chef de l’État ne s’est pas contenté d’un geste symbolique. Il a, à sa manière, rétabli un fil interrompu, celui de l’histoire démocratique du Mali. Dans son allocution, il l’a rappelé sans détour : « Le souvenir des événements tragiques demeure dans la conscience collective, il en va de même pour l’aspiration du peuple à vivre dans un pays pacifié, réconcilié et stable. »
Ce faisant, Assimi Goïta a inscrit sa propre action politique dans la continuité d’une lutte commencée bien avant lui, celle d’un peuple pour la dignité, la souveraineté et la paix. Non pas comme un retour à l’ordre ancien, mais comme un nouveau chapitre, écrit à partir de nouveaux outils – les Assises de la Refondation, le Dialogue inter-malien, et une volonté affichée de rompre avec les dépendances extérieures.
Refonder, non restaurer
Ce 26 mars ne célèbre pas un retour au statu quo ante. Il incarne le choix du Mali de s’assumer autrement. Et cela suppose, comme l’a déclaré le Président, « patience, engagement et sacrifice ». Trois mots qui résument la philosophie de la Transition : prendre le temps d’une refondation, refuser l’impatience d’une démocratie de façade, poser les bases d’un contrat social renouvelé.
C’est ici que l’on retrouve une résonance profonde avec les trajectoires similaires de ses voisins de l’AES. Car le Mali, comme le Burkina Faso et le Niger, fait face à un même dilemme : comment conjuguer l’exigence populaire de changement, les impératifs sécuritaires, et le besoin d’une gouvernance légitime ?
La réponse, pour l’instant, passe par un ancrage national fort, une prise de distance assumée avec certaines institutions régionales, et une mobilisation de la mémoire collective comme ressource politique, pas comme simple souvenir.
Ce 26 mars 2025 ne s’adresse pas qu’aux historiens. Il parle à ceux qui, aujourd’hui, cherchent un sens à la transition en cours. Ceux qui, au-delà des débats géopolitiques, veulent croire qu’un autre Mali est possible. Un Mali qui ne trahit pas ses martyrs, mais qui les fait vivre autrement, non pas dans des mausolées, mais dans les actes.
Alassane Diarra
En savoir plus sur Sahel Tribune
Subscribe to get the latest posts sent to your email.