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Mali : Après 6 ans de séparation, place aux retrouvailles

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En 2019, Sidi originaire du Bénin, s’est retrouvé à errer seul dans les rues d’Abala au Niger. C’est pourtant à Ménaka (région du Mali, frontalière avec le Niger) que nous avons fait sa connaissance. Son parcours est tristement représentatif de celui de nombreux enfants non accompagnés, contraints de partir de leur foyer, en raison des difficultés économiques familiales liées ou pas au conflit. 

Il est environ 16 h à l’aéroport de Cotonou. Le vol en provenance de Bamako vient d’atterrir. À son bord se trouve le jeune Sidi*, de retour chez lui après six longues années d’absence. Dans la salle d’arrivée, Nouratou*, sa mère, scrute la pièce à la recherche de son fils. Lorsqu’elle aperçoit enfin son fils, ses jambes flanchent presque sous l’émotion.

« Quand nous nous sommes séparés, il était encore un enfant. Aujourd’hui, il est plus grand que moi », dit-elle les larmes aux yeux. Il ne leur faudra que quelques instants pour se jeter dans les bras l’un de l’autre, emportés par des retrouvailles bouleversantes.

Un chemin semé d’embûches

« J’ai abandonné l’école à la primaire. Comme mes sœurs, je voulais travailler pour soutenir ma famille, alors on m’a confié à un ouvrier en bâtiments », raconte Sidi. « Il m’a engagé comme apprenti, et nous avons pris la route du Niger, où il travaillait. »

Arrivés à Niamey, la capitale nigérienne, tous deux travaillaient sur des chantiers. Lorsque son tuteur recevait son salaire, Sidi, lui, touchait une maigre somme. Très vite, leur relation s’est dégradée : son protecteur d’hier a commencé à le battre violemment jusqu’à ce fameux jour où il a réussi à s’échapper. 

Livré à lui-même, sans repères et sans aucune personne vers qui se tourner, le jeune garçon a erré pendant des mois dans les rues de Niamey, avant de rencontrer Lassine* qui devint son bienfaiteur durant 4 ans.

« Lassine est un transporteur. Quand il a appris que j’étais livré à moi-même, il m’a recueilli et m’a amené avec lui à Ménaka. J’ai été son apprenti durant une année. Avec les violences armées qui persistaient dans la zone, nous avons fini par nous installer dans la ville de Ménaka ».

C’est là que Sidi a pu, enfin, apprendre le métier dont il rêvait depuis toujours : la couture.

Un nouveau chapitre

À Ménaka, Sidi est redevenu un enfant comme les autres. Accueilli chez Lassine, il a appris à parler le songhaï et s’est rapidement fait des amis avec qui il jouait tous les jours.

 « Là-bas, j’étais bien traité. Sa famille me considérait comme l’un des leurs. Elle a facilité mon intégration et je me suis senti comme à la maison » dit-il, souriant.

C’est dans cette ville que Sidi a commencé à écrire un nouveau chapitre de sa vie. Grâce à un programme d’accompagnement et d’autonomisation des jeunes mis en œuvre par une organisation locale, il a pu entamer une formation en couture, sa passion.

Son quotidien était tout aussi simple que celui des autres enfants de son âge : « Après le petit déjeuner, j’allais à l’atelier de couture. Je revenais déjeuner à midi avant d’y retourner encore. Le soir, je m’installais devant la maison avec les autres enfants pour faire du thé et jouer. Et au moment de dormir, on rentrait. »

À la suite d’une prise d’informations sur sa situation, cette organisation servit de trait d’union entre le jeune et le Comité international de la Croix-Rouge (CICR).

Une réunification minutieuse aux défis logistiques importants

Grâce à une collaboration régionale entre le CICR et la Croix-Rouge du Bénin (CRB), la mère de Sidi est localisée, en février 2025, dans les environs de Porto-Novo au Bénin. Commence alors un important travail logistique pour que la famille soit enfin ensemble. 

« Quand j’ai décroché le téléphone, j’ai vu toute ma famille réunie autour de ma mère. Ils criaient : « C’est Sidi, c’est Sidi ! » Et maman a commencé à parler en pleurant… C’est là que j’ai compris à quel point ma famille m’avait manqué », raconte-t-il avec émotion.

Depuis Ménaka, Sidi est transporté par avion jusqu’à Bamako. Il y séjourne presque un mois, le temps que tous les documents administratifs et juridiques nécessaires soient réunis. Une attente longue pour le jeune garçon qui s’impatiente.  

« Le processus était complexe et nécessitait une forte mobilisation. Il fallait non seulement avoir certains documents auprès des autorités maliennes, mais aussi auprès des autorités béninoises et de sa mère. On ne pouvait que patienter et suivre les étapes pour non seulement respecter les textes juridiques, mais aussi protéger l’enfant », explique Telegna Doboko, délégué en charge de la protection au CICR.

À l’aube de ce vendredi du mois d’Avril, sur la route de l’aéroport international Président Modibo Keita de Bamako, Sidi est submergé par l’émotion. Ce jour n’est pas comme les autres : c’est celui des grandes retrouvailles, après six longues années de séparation.

« J’avais hâte de retrouver ma famille. J’ai longuement rêvé de nos retrouvailles. Ma tête posée sur les genoux de ma mère, entouré par mes sœurs, je nous revoyais discuter comme avant, mais à chaque réveil, je pleurais, car ce n’était pas la réalité ».  

Accompagné par un agent du CICR, Sidi retrouve enfin l’étreinte maternelle qui lui avait tant manqué.

Désormais, il vit auprès de sa famille. Il envisage de continuer la couture et de se mettre à son compte. Bien qu’il ait dû traverser des épreuves difficiles, il garde une reconnaissance particulière pour Lassine ainsi qu’un précieux souvenir de Ménaka.

« Quand j’aurai de l’argent, je reviendrai un jour à Ménaka. J’irai voir Lassine et tous mes amis. Et, si j’ai de l’argent, je leur en donnerai pour les aider comme ils m’ont aidé », affirme-t-il.

Actions du CICR au Mali dans le domaine du rétablissement des liens familiaux Le CICR et la Croix-Rouge malienne aident les familles à retrouver leurs proches disparus ou arrêtés en lien avec le conflit. Les appels téléphoniques et les messages Croix-Rouge (lettres ouvertes qui ne contiennent que des nouvelles familiales) permettent ainsi aux membres de familles séparées et aux migrants de renouer et de maintenir le contact familial. Le CICR et la Croix-Rouge malienne travaillent à réunir avec leurs familles, les enfants séparés de leurs parents en raison du conflit, y compris ceux qui étaient associés aux forces ou groupes armés.En 2024, le CICR et la Croix-Rouge malienne ont ainsi facilité 18 849 appels téléphoniques, l’échange de 431 messages Croix-Rouge, la réunification de 12 familles, et ont ouvert 336 nouvelles demandes de recherche dont 205 ont été résolues.

PS : Sidi, Nouratou et Lassine sont des prénoms d’emprunt. 

Note de la rédaction : Cet article est une contribution que nous publions dans le cadre de notre partenariat avec le CICR. 


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