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Mali : 50 ans de Francophonie, régler les pendules

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La francophonie ne doit pas nous asphyxier, mais au contraire être une source de richesse linguistique pour nous. À 50 ans de Francophonie, il est temps de mettre les points sur les « i » en changeant d’orientation.

« Tant qu’un peuple vaincu n’a pas perdu sa langue, il peut garder l’espoir ». Cette phrase de Montesquieu, écrivain français du 18e siècle est fréquemment reprise lors des discussions sur la culture, l’identité ou simplement la francophonie. Ce qui n’est pas fortuit. Le recours excessif à cette phrase prouve toute sa pertinence aux yeux de nous modernes, surtout à une époque où plusieurs comportements antipolitiques françaises se développent dans nos pays africains, plus particulièrement au Mali. Entre la perte de sa langue nationale et la servitude, la différence est assez minime. Ce 50e anniversaire de la francophonie est une occasion de relancer le débat sur l’usage du français.

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Multilinguisme du progrès

« La langue française doit mener notre jeunesse à la réussite », a indiqué Louise Mushikiwabo lors du 50e anniversaire de la Francophonie. Il est certes important de s’ouvrir aux langues étrangères, de mettre le français au centre de nos activités, mais cela ne doit pas conduire à notre asphyxie en nous détournant complètement de nos langues nationales.

Embrasser la francophonie tout en retravaillant nos propres langues est gage de progrès. C’est d’ailleurs ce que le professeur de philosophie et écrivain sénégalais, Boubacar Boris Diop, fait savoir au cours d’un entretien sur Le Monde : « Par exemple, à la télévision, des débats télévisés qui commencent en français finissent souvent en wolof. Une personne qui parle mal le français s’exprimera dans sa langue sans complexe, au lieu de se mettre à baragouiner, comme cela aurait été le cas il y a quelques années. »

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Le Sénégal est déjà en avance sur cette question par le fait que beaucoup de romans ainsi que de dictionnaires en langue Wolof existent. C’est à cela que doit consister une vraie francophonie : une forme de melting pot des langues. Les Africains en général et les Maliens en particulier doivent travailler sur cette voie afin de bénéficier une vraie indépendance.

Oubli de soi

Accorder une trop grande importance à des langues étrangères revient tôt ou tard à oublier ses propres langues. Ce qui constitue une forme d’oubli de soi. Cette situation est malheureusement le cas au Mali. La forte utilisation de la langue française nous fait perdre le bon usage de nos langues nationales.

Cette situation d’oubli de soi est tributaire du désintéressement de nos intellectuels de nos langues nationales. Ces langues ne sont pas travaillées afin d’être utilisables dans le système éducatif.

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Lors de la 12e édition de la Rentrée littéraire du Mali, nombreux sont les écrivains qui ont reconnu la difficulté pour eux à produire dans leur langue nationale. Cela pour diverses raisons. Parmi lesquelles, le problème d’édition, mais aussi le problème de lectorat. « Nous ne sommes pas contre nos langues maternelles, mais nous devons dire que la langue française nous permet de mieux communiquer en toute liberté », a expliqué Alima Madima, écrivaine et professeure de philosophie, originaire du Congo Brazzaville, lors de la Rentrée littéraire 2020 du Mali.

Le français dans nos écoles

Au Mali, la quasi-totalité des documents officiels est en langue officielle. Toutes les informations sont diffusées dans cette langue que la majorité des citoyens ne comprend pas. Dans les écoles, excepté les publiques, les enseignements sont dispensés en français.

Selon Ibrahim Baba Kaké, écrivain guinéen, « L’utilisation exclusive du français dans l’éducation et dans la vie des relations internationales par les Africains risque fort de freiner pour longtemps leur effort pour rejeter la tutelle culturelle de la France. » Cela reste vrai dans la mesure où la langue fait partie intégrante du patrimoine culturel d’un pays. À ce titre, l’utilisation de la langue française peut entrainer l’abandon de nos cultures au profit de celles françaises. Elle entrave ainsi le développement.  

Mahmoud Abdou, professeur de philosophie à l’École normale supérieure (ENSUP) de Bamako, ne partage pas cette analyse. « L’utilisation d’une langue étrangère n’est pas un handicap au développement. Au contraire, c’est une ouverture. » Ce professeur de philosophie poursuit en précisant que « Sans la connaissance du Grec, de l’Arabe, beaucoup de connaissances resteraient inaccessibles aux Européens ». Néanmoins, il ne fait pas de doute que la langue nationale est « importante pour la communication, la transmission des savoirs », mais il finit par préciser que celle-ci « n’est pas le seul critère pour développer un pays ». « Entre un enfant qui parle plusieurs langues et celui qui ne parle qu’une seule, lequel des deux sera un adulte cultivé ? », laisse-t-il en suspense.  

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Ambition des pères des indépendances

Depuis les indépendances, la problématique des langues nationales anime les débats. « Lire, écrire, produire dans les langues africaines. Le débat est récurrent depuis les indépendances. Comment penser et représenter le monde en écrivant dans des langues héritées de la colonisation tel que le français, l’anglais ou le portugais ? », lit-on dans une publication du quotidien français Le Monde sur l’usage des langues nationales au Sénégal.

Nous savons que Modibo Kéita, premier président du Mali indépendant, se battait pour l’intégration des langues nationales dans le système éducatif de son pays. Mais il s’est buté à des obstacles notamment la multiplicité des langues nationales.

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Aujourd’hui, il convient de se rallier à Mbarek Beyrouk, écrivain et journaliste mauritanien pour dire ensemble que nous sommes « Franco script et non francophone. »

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