Alors que la rumeur d’un blocage des exportations de lithium alimente les spéculations à Bamako et à Londres, Kodal Minerals dément toute suspension officielle mais reconnaît que les discussions avec les autorités maliennes se poursuivent. En jeu, 27 000 tonnes de spodumène prêtes à être exportées, mais toujours sous le contrôle souverain de l’État malien.
Le démenti est tombé comme un couperet, aussi sec qu’un rapport de vérification, mais au goût légèrement défensif. Depuis quelques jours, les spéculations vont bon train sur un supposé blocage par les autorités maliennes des exportations de spodumène, ce minerai rare à haute teneur en lithium que Kodal Minerals extrait à Bougouni, dans le sud du pays. En jeu : 27 000 tonnes déjà stockées, prêtes à prendre la route des marchés mondiaux.
Dans une note laconique mais nécessaire, la juniore minière britannique Kodal Minerals a tenu à tuer dans l’œuf les rumeurs. Non, assure la direction depuis Londres, aucune mesure officielle n’empêche ce jour l’exportation du précieux concentré. Certes, les discussions avec Bamako se poursuivent sur les modalités administratives d’un permis d’exportation définitif, mais elles suivent – dit-on – « leur cours normal ». Traduction : pas d’embargo, mais pas encore de feu vert officiel non plus.
Des relations « positives », vraiment
Que Bernard Aylward, le patron de Kodal, soit actuellement à Bamako pour « visiter les opérations » n’a rien d’anodin. Le message est clair : la société reste présente, ses équipes sont sur le terrain, et la montée en puissance de l’usine de traitement suit le calendrier annoncé. Une manière de rassurer les investisseurs, de montrer que malgré le flou administratif, la machine industrielle tourne.
Mais derrière cette communication maîtrisée affleure une autre réalité, moins reluisante pour les actionnaires impatients : Kodal Minerals, comme toutes les autres entreprises étrangères opérant sur le sous-sol malien, sait qu’ici, Bamako garde la main. Le lithium est stratégique, et le gouvernement de la Transition entend bien faire valoir les intérêts souverains du Mali, qu’il s’agisse de fiscalité, de retombées locales ou de contrôle des flux.
Kodal se dit « soutenue » par les autorités. C’est probablement vrai. Mais nul n’ignore que le climat politique au Mali a changé : plus souverainiste, plus exigeant, parfois plus imprévisible. La compagnie britannique devra composer avec cette nouvelle donne. Finies les exportations quasi automatiques d’une époque où l’État fermait les yeux sur les pertes fiscales et les contrats léonins. Le temps est à la renégociation permanente.
27 000 tonnes en attente, une symbolique forte
Que ces 27 000 tonnes soient là, stockées mais immobilisées, résume à lui seul le bras de fer feutré entre l’État malien et l’industrie extractive internationale. Certes, Kodal joue l’apaisement. Certes, Bamako se garde pour l’instant de toute annonce fracassante. Mais une chose est sûre : rien ne partira sans l’aval du gouvernement. Le lithium malien, nouvelle manne convoitée, est devenu un actif stratégique dont les autorités veulent garder le contrôle absolu.
Rassurer sans trop promettre
En annonçant qu’une nouvelle communication sera faite « dès réception » du permis, Kodal joue la montre tout en gardant la porte ouverte. On avance, mais on ne maîtrise pas totalement le calendrier. En clair, tout dépend de Bamako.
Le pari de Kodal devra poursuivre la montée en puissance industrielle, tout en consolidant sa relation politique avec un État désormais conscient de la valeur stratégique de son sous-sol. Un exercice d’équilibriste que Bernard Aylward devra maîtriser s’il veut éviter que les rumeurs d’aujourd’hui deviennent les blocages de demain.
En attendant, à Bougouni, les tas de spodumène s’accumulent. Et le silence prudent de Bamako vaut, à lui seul, toutes les annonces officielles.
Chiencoro Diarra
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