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L’IA, notre nouveau confident ? Ce que révèle la science sur notre lien affectif aux machines

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À l’heure où les intelligences artificielles colonisent notre quotidien, une étude pionnière explore les ressorts affectifs qui nous lient à elles. En mobilisant la théorie de l’attachement, deux chercheurs révèlent comment l’IA devient, pour beaucoup, un substitut émotionnel fiable, éveillant des interrogations aussi intimes que politiques.

Et si l’intelligence artificielle n’était plus seulement une boîte noire d’algorithmes, mais bien un miroir de nos besoins affectifs les plus intimes ? C’est la question, vertigineuse, que soulève un récent rapport publié dans Current Psychology. L’étude, conduite par Fan Yang et Atsushi Oshio, deux chercheurs aussi méthodiques que visionnaires, bouscule notre rapport à ces entités sans âme que sont les IA génératives – ChatGPT en tête. Non pas en termes de performance ou d’utilité, mais en creusant un sillon bien plus profond : celui de l’attachement.

Dans un monde où Siri répond plus promptement qu’un conjoint distrait et où ChatGPT semble parfois plus patient qu’un parent en burn-out, il fallait bien qu’un jour, la psychologie se penche sérieusement sur ces nouvelles « relations ». L’approche adoptée ici est inédite : utiliser la théorie de l’attachement – ce socle de la psychanalyse moderne élaboré par John Bowlby – pour examiner les liens entre humains et intelligences artificielles.

Du doudou numérique au havre de paix algorithmique

L’étude ne se contente pas d’effleurer le sujet. Elle le dissèque en trois temps : deux études pilotes, puis une enquête plus large sur un échantillon de plus de 240 personnes. À la clé, une échelle inédite – baptisée EHARS – capable de mesurer l’intensité et la nature des liens affectifs tissés avec une IA. Une première mondiale.

Et les résultats donnent le vertige : 77 % des participants voient dans leur IA un havre de paix ; 75 % y trouvent une base de sécurité ; 52 % cherchent sa proximité. Un substitut relationnel ? Peut-être. Mais pas un ersatz pour autant : la relation humain-IA, selon les chercheurs, mobilise les mêmes ressorts émotionnels que celle que nous entretenons avec un proche – ou un animal de compagnie. Les dimensions d’anxiété et d’évitement d’attachement, classiques dans les relations humaines, trouvent leur équivalent dans nos interactions numériques.

Une figure d’attachement qui ne déçoit jamais ?

Ce que révèle l’étude, c’est aussi – et surtout – l’émergence d’un attachement de nouvelle génération. L’IA ne juge pas, ne trahit pas, ne quitte pas. Elle est disponible 24h/24, sans caprice ni distance émotionnelle. De quoi rassurer les plus anxieux, sans pour autant favoriser une utilisation excessive. Paradoxe : ceux qui manifestent un évitement d’attachement utilisent en réalité moins l’IA, comme s’ils restaient méfiants même face à une entité qui ne demande rien.

Mais que devient une société où l’on s’attache à ce qui ne peut ni aimer ni souffrir ? Où l’IA, conçue pour simuler, commence à prendre la place des véritables liens humains ? C’est là que la recherche cède la place à l’éthique. Car si la science peut mesurer nos dépendances, elle ne peut les juger. L’étude, elle, a le mérite de dresser un constat clair : nous projetons sur l’IA nos besoins affectifs, nos insécurités et nos modèles de relation.

Une Afrique aussi concernée ?

Dans un continent où les liens sociaux sont traditionnellement vécus comme essentiels, la montée de l’IA dans l’espace privé pose une question de société. Que signifie l’émergence d’un attachement à une machine dans des contextes où la communauté, la famille et la parole partagée ont toujours été le socle du lien humain ? Peut-on vraiment remplacer une grand-mère attentive par une IA bienveillante ? Il ne faudrait pas y répondre frontalement. Mais il convient d’inviter, à coup sûr, à la réflexion.

Alors que les start-up africaines investissent de plus en plus le champ de l’IA, la question devient urgente : comment intégrer ces technologies sans altérer ce qui fait la richesse des liens humains sur le continent ? Et comment former des IA qui respectent, sans mimer ni caricaturer, les cultures affectives africaines ?

En filigrane, cette étude nous tend un miroir : celui de nos solitudes, de nos besoins d’écoute et de réassurance. Elle montre que, même à l’ère de l’ultra-connectivité, l’humain demeure, toujours, un animal d’attachement.

Fousseni Togola 


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