Les violences post-électorales continuent de secouer le continent africain, comme en témoignent les récents troubles au Mozambique ayant fait plus de 130 morts. Entre fraudes électorales, fractures identitaires et institutions fragiles, ces crises mettent en lumière les défis majeurs de la démocratie en Afrique. À travers des cas emblématiques du Sahel, du Kenya, de la Côte d’Ivoire et du Togo, nous explorons les causes profondes de ces tragédies et les pistes pour y mettre fin.
L’Afrique, berceau de l’humanité et continent d’un potentiel inexploité, continue de se heurter à une réalité tragique : celle des violences post-électorales. Ces convulsions politiques, telles qu’observées récemment au Mozambique, témoignent non seulement des fractures profondes qui traversent de nombreuses nations africaines, mais aussi des limites des institutions démocratiques. La victoire controversée de Daniel Chapo, ratifiée par un Conseil constitutionnel déjà discrédité, a embrasé un pays divisé, offrant une énième illustration de cette maladie chronique.
L’ingérence des groupes armés pour asseoir leur influence
Le Mozambique, pays marqué par une longue domination du Frelimo depuis 1975, a été plongé dans la tourmente après les élections générales d’octobre 2024. La victoire controversée de Daniel Chapo, validée par un Conseil constitutionnel perçu comme partial, a exacerbé les tensions. Les manifestations violentes à Maputo et dans les provinces du nord — Nampula, Zambezia, Cabo Delgado — ont fait plus de 130 morts en deux mois. Ces violences traduisent une méfiance profonde envers des institutions accusées de servir l’élite au pouvoir. Les accusations de fraude portées par l’opposition ont renforcé une polarisation déjà exacerbée par des divisions ethniques et régionales. Le gouvernement, malgré ses appels au calme, n’a pas su désamorcer cette crise.
Les violences post-électorales ne se limitent pas à l’Afrique australe. Dans le Sahel, une région déjà fragilisée par l’insécurité et les conflits, les élections deviennent souvent des déclencheurs de violences. Au Mali, les élections législatives de 2020 ont conduit à des manifestations massives dénonçant des fraudes et des ingérences politiques. Ces tensions ont culminé avec le coup d’État d’août 2020, révélant une instabilité structurelle. Au Niger, en 2021, l’élection de Mohamed Bazoum a été marquée par des manifestations violentes à Niamey et ailleurs, exacerbées par des accusations de fraude et des tensions identitaires. Quant au Burkina Faso, les élections de 2015, bien que cruciales après la chute de Blaise Compaoré, ont mis en lumière des fractures profondes, notamment dans les régions marginalisées du nord. Dans ces contextes, les violences électorales sont souvent amplifiées par l’ingérence des groupes armés, qui exploitent les périodes d’instabilité pour asseoir leur influence.
Les crises post-électorales, symptômes d’un mal plus profond
D’autres crises post-électorales emblématiques marquent l’histoire récente de l’Afrique. Au Kenya, en 2007-2008, les élections présidentielles ont déclenché des violences politico-ethniques d’une rare intensité, faisant environ 1 300 morts et plus de 600 000 déplacés. Cette crise a révélé l’exploitation des divisions ethniques à des fins électorales. En Côte d’Ivoire, entre 2010 et 2011, le refus de Laurent Gbagbo de reconnaître la victoire d’Alassane Ouattara a plongé le pays dans une guerre civile ayant causé plus de 3 000 morts. Le Togo a également connu des drames similaires : en 2005, les violences post-électorales ont entraîné la mort de près de 500 personnes, dont des enfants, selon Amnesty International. Ces exemples montrent que les processus électoraux peuvent, en l’absence de mécanismes crédibles, dégénérer en crises humanitaires.
Les violences post-électorales en Afrique trouvent leurs racines dans des problèmes structurels communs. Les élections sont souvent perçues comme inéquitables, alimentant un sentiment d’injustice. Les divisions ethniques et régionales, exacerbées par des politiques clientélistes, deviennent des lignes de front lors des scrutins. La faiblesse des institutions électorales et judiciaires empêche la résolution pacifique des différends, tandis que les groupes armés profitent des périodes de trouble pour étendre leur influence. Ces dynamiques montrent que les crises post-électorales ne sont pas simplement des accidents, mais des symptômes d’un mal plus profond.
La démocratie comme pacte social, ancré dans le respect et la tolérance
Pour éviter que les élections ne deviennent des champs de bataille, il est urgent de mettre en œuvre des réformes. Renforcer la transparence électorale, en assurant l’indépendance des organes de supervision et la présence d’observateurs internationaux crédibles, est une priorité. Il est également essentiel de promouvoir une éducation civique valorisant le dialogue et la résolution pacifique des conflits. Les gouvernements doivent intégrer les populations marginalisées dans leurs projets de gouvernance pour réduire les frustrations. Enfin, la création de mécanismes institutionnels solides pour arbitrer les différends électoraux est indispensable.
Les exemples du Mozambique, du Sahel et des crises passées montrent que les violences post-électorales ne sont pas une fatalité. Elles sont le produit d’institutions faibles et de fractures sociales mal gérées. Pour construire un avenir démocratique apaisé, l’Afrique doit réinventer ses processus électoraux, promouvoir une gouvernance inclusive et renforcer la confiance dans ses institutions. La démocratie, loin d’être un simple rituel électoral, doit devenir un véritable pacte social, ancré dans le respect et la tolérance.
Chiencoro Diarra
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