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Les survivants de la foudre : chronique théâtrale d’une crise sociale

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Dans sa pièce de théâtre Les survivants de la foudre, l’auteur malien Abdramane Coulibaly livre un cri du cœur en faveur des enseignants du secteur privé, laissés pour compte durant la pandémie de Covid-19. À travers six actes, il met en scène la précarité, la dignité, mais aussi la solidarité qui anime ces éducateurs oubliés. Une œuvre engagée, poignante, où la fiction se mêle à la réalité sociale pour interpeller les autorités et réveiller les consciences.

Auteur de plusieurs ouvrages, à savoir À la recherche du chemin (2019), Lettres à la jeunesse africaine(collectif, 2021) et De l’humanitude (2022), Abdramane Coulibaly, dans Les survivants de la foudre, pointe du doigt les problèmes des enseignants dans les établissements privés, restés sans secours au moment de la Covid-19. Nous le constatons dans les propos de M. Traoré (enseignant dans les écoles privées) : « Au final, c’est nous, enseignants des établissements privés, qui sommes les victimes. Nous sommes ignorés… » (Coulibaly, 2024, p.19).

Les échanges dans cette pièce de théâtre tournent autour de six actes.

Acte I : La pandémie en débat

Dans le premier acte, la discussion porte sur la nouvelle pandémie : la Covid-19. À travers les personnages de « L’idiot de la rue », « Le vendeur d’essence » et « Le grand lecteur », Abdramane Coulibaly fait part des divergences de point de vue concernant la pandémie. Le grand lecteur remet en cause l’hypothèse des deux premiers en apportant des arguments sur l’existence de la pandémie. Selon lui : « Le coronavirus n’est pas une maladie discriminatoire : c’est une pandémie. Il touche tous les hommes. » (Coulibaly, 2024, pp.12-13).

Il les incite à respecter les mesures de protection. Le couvre-feu en fait partie, comme le rappelle L’insensédans l’Acte II, même s’il reconnaît qu’il s’agit d’un moment difficile. Massa partage ce point de vue, affirmant : « Ce couvre-feu n’est point un mal, c’est plutôt un bien pour tous. » (Coulibaly, 2024, p.27). Il invite donc Abdoulaye et Massa à respecter les mesures barrières. Les mérites du couvre-feu sont également vantés par KadiaAmi et Ina, qui insistent sur le fait qu’il permet aux hommes de passer du temps avec leur femme et leurs enfants. Mais Ina met l’accent sur les conséquences économiques. Elle déclare : « […] Il faut jeter un clin d’œil sur les conséquences économiques du couvre-feu dans la vie des populations. Cette situation a piétiné les enseignants des écoles privées. » (Coulibaly, 2024, p.39).

Acte III : Une crise dans la crise

Dans l’Acte III, l’auteur approfondit sa réflexion sur les conséquences économiques déjà énoncées à travers le personnage de Ina. La colère de L’idiot de la rue, dont la clientèle a drastiquement baissé à cause du couvre-feu, illustre cette réalité. Le grand lecteur résume la situation en ces termes : « La Covid-19 est une crise qui a enfanté une autre crise dangereuse : la crise économique. » (Coulibaly, 2024, p.50).

Notons que L’idiot de la rue accuse les hommes de science d’être responsables de la pandémie.

Actes IV et V : Hommage aux enseignants oubliés

C’est dans les Actes IV et V que le jeune écrivain, à travers M. Dembélé et Le grand lecteur, rend hommage aux enseignants tout en soulignant les difficultés qu’ils rencontrent. M. Dembélé et L’insensé nous montrent que l’enseignement est un métier noble. L’insensé affirme : « Sans vous, il n’y a rien. Pour être président, ministre, député, médecin, journaliste, économiste, juge, avocat, etc., il faut passer entre les mains de vous, les enseignants. » (Coulibaly, 2024, p.61).

A travers un autre personnage, M. Coulibaly, expose la précarité des enseignants du secteur privé, qui ne vivent que de l’émargement et sans encadrement de l’État. En période de grève, de jours fériés ou de maladie, aucun émargement, donc aucune rémunération. Pendant les vacances, les enseignants du privé « tirent le beurre par le nez ». C’est ce qui pousse M. Traoré à vendre sa moto pour soigner sa mère malade. Il sera ensuite expulsé de son logement « pour non-paiement de loyer » (Coulibaly, 2024, p.82).

Face à cette réalité, le jeune philosophe interpelle les autorités pour une réorganisation et une amélioration des conditions de vie des enseignants du privé. Car, selon lui, enseigner dans le privé ne doit pas être un simple passage, mais une fonction valorisée et viable, puisque des chefs de famille y exercent.

Acte VI : L’appel à la solidarité

L’Acte VI met en avant un aspect essentiel : la solidarité. On l’observe dans l’attitude du vendeur d’essenceenvers les enseignants. Cette dernière partie présente également des propositions de solutions. À travers L’insensé, Coulibaly incite les enseignants du privé à s’unir pour relever les défis. Il souligne : « Il est très difficile pour un enseignant de faire bien son métier dans des conditions précaires — qu’il soit du privé ou du public — où il n’est même pas en mesure d’assurer les nécessaires dans sa famille. » (Coulibaly, 2024, pp.102-103).

Il en appelle à des réformes profondes pour améliorer les conditions de travail des enseignants. Sans cette union, dit-il, la situation restera critique. Ainsi, pour Abdramane Coulibaly, les enseignants du secteur privé sont véritablement « les survivants de la foudre. »

Fousseyni Koïta


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