Les groupes terroristes exploitent désormais les réseaux sociaux, l’intelligence artificielle et les cryptomonnaies pour recruter, financer leurs opérations et diffuser leur propagande, transformant la radicalisation en un phénomène numérique insaisissable.
Si le terrorisme au Sahel repose sur des causes profondes — pauvreté, conflits ethniques, effondrement des États —, il s’adapte aussi aux évolutions technologiques. Les djihadistes d’aujourd’hui n’ont plus besoin de recruter dans les mosquées ou les camps d’entrainement. Un smartphone et une connexion internet suffisent. Le dernier Indice mondial du terrorisme 2025 met en lumière une mutation profonde du processus de radicalisation, alimentée par l’intelligence artificielle, les cryptomonnaies et les plateformes numériques.
L’algorithme, nouvelle arme du terrorisme
La radicalisation n’a jamais été aussi rapide. Selon le rapport, « la majorité des attentats en Occident sont désormais perpétrés par des individus sans affiliation formelle à un groupe, qui se radicalisent via les réseaux sociaux, les plateformes de jeux et les applications de messagerie cryptées. » Le passage à une radicalisation en ligne permet aux terroristes potentiels d’accéder à des contenus extrémistes et de s’organiser avec un minimum de contacts physiques.
Ce phénomène s’observe aussi bien en Europe qu’en Afrique de l’Ouest, où des jeunes sont ciblés par des contenus extrémistes adaptés à leur réalité locale. « L’ISK a considérablement développé son arsenal numérique, produisant des contenus vidéos améliorés par l’IA et des magazines en ligne sophistiqués en plusieurs langues. »
Les groupes djihadistes exploitent les recommandations automatiques des réseaux sociaux, où chaque clic sur une vidéo radicale en entraîne une autre, toujours plus extrême. L’objectif ? Créer un effet d’enfermement idéologique, où l’utilisateur est progressivement exposé à une vision du monde où la violence devient légitime.
Cryptomonnaies et financement occulte du djihadisme
Autre outil technologique au service des terroristes : les cryptomonnaies. Les canaux traditionnels de financement devenant de plus en plus surveillés, les groupes djihadistes se tournent vers des transactions anonymes en Bitcoin et autres monnaies virtuelles.
Le rapport souligne ainsi que « les organisations terroristes utilisent les cryptomonnaies pour collecter des fonds, tout en exploitant l’IA pour créer une propagande localisée visant des cibles étrangères. »
Au Sahel, où les systèmes bancaires sont peu développés, ces nouvelles méthodes permettent aux groupes terroristes de contourner les sanctions et d’échapper à la surveillance financière internationale.
Messageries cryptées, la guerre de l’ombre
L’une des batailles les plus difficiles à mener contre la radicalisation se joue sur les applications de messagerie sécurisées, comme Telegram ou Signal. Ces outils, conçus à l’origine pour protéger la vie privée des utilisateurs, sont devenus des refuges pour les groupes extrémistes.
Selon l’Indice mondial du terrorisme 2025, « les extrémistes exploitent de plus en plus les applications cryptées et les forums du dark web pour se radicaliser et planifier leurs opérations. »
Là où les anciens réseaux terroristes nécessitaient des contacts physiques, des déplacements et une logistique lourde, aujourd’hui, il suffit d’un groupe de discussion secret et d’une connexion internet pour organiser des attentats coordonnés à des milliers de kilomètres.
Un combat technologique à mener
Face à cette montée en puissance du terrorisme numérique, les États peinent à réagir. Les services de renseignement doivent désormais traquer non seulement les cellules terroristes physiques, mais aussi des milliers de profils anonymes disséminés sur la toile.
Le rapport précise que « l’IA permet également aux services de renseignement d’analyser de grandes quantités d’informations et de détecter la radicalisation plus tôt. » Mais encore faut-il que les gouvernements disposent des outils et des moyens pour mener cette lutte efficacement.
Les défis sont immenses : réguler les contenus extrémistes sans basculer dans une surveillance généralisée, encadrer l’usage des cryptomonnaies sans freiner l’innovation financière, infiltrer les messageries cryptées sans violer la vie privée des citoyens.
Une chose est certaine. Le terrorisme a changé d’ère. Il ne se limite plus aux champs de bataille du Sahel ou du Moyen-Orient. Il se joue aussi sur les écrans, dans l’anonymat du cyberespace, où un clic peut suffire à transformer un individu en bombe humaine.
Chiencoro Diarra
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