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Le Sahel face au miroir occidental : reprendre la main sur le récit

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Depuis leur création en septembre 2023, les États de l’Alliance des États du Sahel (AES) — Mali, Burkina Faso, Niger — mènent un double combat. D’un côté, celui, bien visible, contre le terrorisme et les fragilités de leurs institutions. De l’autre, plus insidieux, une guerre de l’image, où le champ de bataille n’est ni la brousse ni le désert, mais les ondes, les écrans, les mots.

Depuis Paris, Washington ou Genève, on parle du Sahel à la troisième personne. On dissèque, on commente, on juge. Avec des lunettes déformantes, souvent sélectives, toujours étrangères. La démocratie n’y serait qu’un souvenir lointain, les coups d’État, une routine ; les peuples, silencieux et instrumentalisés. Ce narratif imposé, binaire et sans nuances, a longtemps dominé les colonnes des grands médias. Il était temps que les peuples sahéliens, eux, prennent enfin la parole.

Raconter une Afrique sahélienne digne

C’est précisément ce à quoi s’attèle aujourd’hui l’AES. Car au-delà des communiqués militaires, une révolution silencieuse est en cours : celle de la souveraineté informationnelle comme remède au « terrorisme informationnel » décrit par le président Assimi Goïta. En août 2024, à Bamako, un atelier stratégique a rassemblé les cerveaux numériques et communicants des trois capitales. Objectif ? Forger un discours commun, authentique, aligné sur les réalités vécues, et non dicté par les intérêts d’anciennes puissances ou d’experts en chambre.

Mais cette stratégie va bien au-delà des mots. Elle vise à bâtir un contre-pouvoir informationnel. Une plateforme numérique régionale a ainsi vu le jour. Une chaine de télévision devrait bientôt être créée au sein de cet espace. Des diplomates formés à la prise de parole publique. Des campagnes coordonnées à l’échelle du Sahel. Et surtout, une volonté affichée de parler au monde, sans filtre ni intermédiaire.

Car il ne s’agit pas de se plaindre ou de se justifier, mais de raconter. Raconter les efforts — réels — de sécurisation du territoire. Raconter les succès économiques locaux, les femmes qui entreprennent, les jeunes qui innovent. Raconter une Afrique sahélienne digne, debout, en quête de stabilité, mais sans renier sa souveraineté.

Reprendre la main sur son image

Cette stratégie de communication est politique dans le sens noble du terme. Elle réhabilite la parole des États africains, longtemps décrédibilisés par l’audience disproportionnée des experts étrangers et par une presse internationale plus prompte à traquer les défaillances qu’à relayer les résiliences. Elle redonne aux citoyens sahéliens un droit fondamental : celui de se raconter eux-mêmes.

Dans une époque où la vérité est souvent battue en brèche par la viralité, où une image peut faire ou défaire une légitimité, le contrôle du récit devient une arme stratégique. L’AES l’a compris. Reprendre la main sur son image, ce n’est pas maquiller la réalité, c’est refuser qu’elle soit confisquée.

La guerre de l’information est donc aussi décisive que celle des territoires. Et dans les deux cas, l’enjeu est le même : la souveraineté.

Bakary Fomba 


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