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Le Mali, au cœur de la tempête énergétique, forge les bases d’une nouvelle ère

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La pénurie de carburant qui frappe le Mali depuis plusieurs semaines ne relève pas seulement d’un aléa logistique. Elle met à nu les fragilités d’un modèle économique dépendant et invite à une refondation profonde. Derrière la crise, une opportunité se dessine : celle d’un pays qui peut apprendre à redevenir maître de son énergie et de son destin.

Depuis mi-octobre 2025, le Mali vit au rythme des files d’attente, des stations-service à sec et des transports paralysés. La crise énergétique agit comme un miroir tendu à la nation. Elle reflète à la fois ses vulnérabilités et ses forces latentes. Cette pénurie, plus qu’un simple dysfonctionnement, est une épreuve structurante, un « test grandeur nature » de la capacité du pays à s’adapter, à inventer et à se réorganiser.

Dans les rues de Bamako, l’économie s’ajuste. Des familles partagent leurs trajets, des commerçants rationalisent leurs déplacements, des enseignants improvisent des sessions locales. C’est dans l’adversité que s’exprime la résilience malienne, faite d’ingéniosité, de solidarité et de sens du devoir. Et c’est peut-être là le signe d’une maturité nouvelle : celle d’un peuple qui transforme la pénurie en discipline collective.

L’armée, l’État et la nation en première ligne

Au cœur de cette crise, l’État malien démontre une capacité d’action et de coordination rarement saluée à sa juste mesure. Les forces armées sécurisent les convois de carburant sur des axes rendus dangereux par les attaques terroristes ; les autorités politiques pilotent la réorganisation de la distribution ; et les acteurs économiques soutiennent la continuité des services essentiels.

Ce triptyque — armée, administration, citoyens — illustre une solidarité nationale qui dépasse la simple gestion d’urgence. Le Mali apprend à gérer la crise dans l’ordre et la souveraineté, sans agitation, sans dépendre de la panique extérieure. Le réalisme prévaut sur la précipitation. L’État choisit de ralentir pour mieux maîtriser.

Un potentiel énergétique encore sous-estimé

La crise actuelle a ceci de salutaire qu’elle remet la lumière sur une question stratégique : le Mali regorge d’énergie, mais pas encore d’énergie maîtrisée.
Sous son sol, des richesses inexplorées dorment — pétrole, lithium, hydrogène naturel. À Bourakébougou, à soixante kilomètres de Bamako, jaillit un souffle d’hydrogène presque pur, capable d’alimenter tout un village depuis plus d’une décennie. Cette découverte, unique au monde, témoigne du potentiel de l’Afrique à innover en dehors des modèles importés.

Valoriser ces ressources locales, bâtir une filière nationale d’extraction et de transformation, investir dans la formation technique et industrielle, voilà le véritable pari de souveraineté. Loin des discours abstraits sur la « transition énergétique », il s’agit ici d’une transition patriotique, où l’énergie devient un instrument d’indépendance, non de dépendance.

De la contrainte à la refondation

Ce que vit le Mali aujourd’hui n’est pas seulement une crise énergétique — c’est une leçon politique. Les grands tournants de l’histoire nationale ont souvent émergé de moments d’épreuve : la résistance de Soundjata, la lutte de l’indépendance, la reconquête de la souveraineté politique. Aujourd’hui, l’énergie devient le nouveau champ de bataille de cette indépendance retrouvée.

La refondation malienne, si souvent invoquée, trouve ici son terrain d’application concret : celui d’une autonomie énergétique, fondée sur l’exploitation raisonnée des ressources nationales et la transformation locale des richesses. Car il ne suffit pas de disposer du lithium ou de l’hydrogène ; il faut savoir en faire un moteur de développement, non un mirage extractif.

L’heure de la souveraineté mesurée

Dans un monde de flux tendus, où la dépendance énergétique dicte les rapports de force, le Mali n’a pas le luxe de l’attente. Il doit transformer la crise en opportunité — et la pénurie en planification. La souveraineté énergétique n’est pas un slogan : c’est un projet national à la croisée de la sécurité, de la science et de l’économie.

La leçon de cette crise, au fond, est simple : l’énergie ne se résume pas à l’essence. Elle réside dans le courage d’un peuple, dans la discipline d’un État, dans la lucidité d’une transition. Le Mali, confronté à ses limites, découvre qu’elles peuvent devenir ses forces. Car c’est souvent au bord de la rupture que naissent les refondations les plus durables.

Mikailou Cissé 


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