Le Front populaire ivoirien, en proie à des divisions internes exacerbées lors de son dernier congrès, traverse une crise majeure qui questionne son avenir politique à l’approche de la présidentielle de 2025.
Le Front populaire ivoirien ressemble à un grand baobab frappé par l’orage : ses racines, autrefois profondément ancrées dans le sol fertile de l’histoire politique ivoirienne, s’effritent sous les coups de scission. Les branches principales, jadis unies dans leur quête d’ombre pour le peuple, s’entremêlent aujourd’hui dans une danse chaotique de rivalités et de reproches. Chaque feuille tombée symbolise un leader suspendu ou un courant dissident, laissant un tronc qui peine à retrouver sa grandeur. Le vent de la division souffle fort, et la question demeure : le FPI résistera-t-il à cette tempête ou cédera-t-il à la sécheresse de la désunion ?
Une fracture historique et idéologique
Au cœur de cette crise se trouve la suspension de figures clés, comme Dabo Godet et Issiaka Sangaré, accusés de trahison et de dissidence. Ces sanctions, applaudies par les partisans d’Affi, révèlent un parti qui privilégie l’autorité et la loyauté au détriment du pluralisme interne. La réélection d’Affi à 99 % des voix, bien que symboliquement forte, soulève des interrogations sur la crédibilité et l’équité du processus. Les dissidents dénoncent une mascarade démocratique et remettent en question la légitimité de cette victoire, exacerbant un climat de défiance et de fragmentation.
La crise actuelle est loin d’être une surprise pour ceux qui suivent l’histoire récente du FPI. Depuis l’époque de Laurent Gbagbo, les rivalités internes et les accusations de compromission ont sapé la cohésion du parti. Les dissidents, regroupés autour d’Issiaka Sangaré, reprochent à Affi d’avoir abandonné les idéaux fondateurs pour des compromis stratégiques, notamment le partenariat avec le RHDP. Ce rapprochement, présenté comme une opportunité électorale, est perçu comme une compromission opportuniste, désormais source de ressentiments profonds.
Issiaka Sangaré, figure rigoureuse et proche des militants historiques, illustre cette opposition en dénonçant le « bâillonnement des courants de pensée » et une « démocratie de façade ». Son discours reflète une frustration partagée par de nombreux militants, désireux de voir le FPI renouer avec ses valeurs et sa base.
Les enjeux politiques et électoraux
Alors que le FPI s’approche de la présidentielle de 2025, ces divisions internes risquent de peser lourdement sur ses ambitions. La fracture entre les partisans d’Affi et les dissidents affaiblit la capacité du parti à se présenter comme une alternative crédible dans un paysage politique ivoirien dominé par le RHDP et le PPA-CI de Laurent Gbagbo. L’incapacité à maintenir l’unité pourrait non seulement diluer son poids électoral, mais aussi renforcer l’idée que le FPI est un parti en déclin, incapable de s’adapter aux réalités politiques actuelles.
Affi lui-même, malgré sa réélection, doit affronter une série de défis critiques. Son leadership, perçu comme autoritaire et centré sur sa personne, est remis en question. Les accusations de marginalisation des opposants internes et de gestion centralisée risquent d’éroder davantage sa légitimité.
Un bras de fer qui affaiblit le FPI
Le conflit entre Affi et les dissidents ne montre aucun signe d’apaisement. Les membres du courant « démocratie et valeurs » revendiquent leur fidélité aux principes du parti et dénoncent les dérives actuelles. Les propos d’Issiaka Sangaré, affirmant que le congrès était « le pire de l’histoire du parti », illustrent la profondeur de la défiance. Le risque de nouvelles scissions est palpable, ce qui pourrait réduire le FPI à une ombre de ce qu’il était autrefois.
Le FPI se trouve à un carrefour critique. La transition vers un parti modernisé, capable de rivaliser dans le jeu politique contemporain, nécessite une refondation basée sur l’inclusivité et la transparence. Cependant, les pratiques actuelles et l’incapacité à canaliser les tensions internes compromettent cette ambition.
L’avenir du FPI dépendra de la capacité de ses leaders, à commencer par Affi N’Guessan, à transcender les querelles personnelles et à recentrer le parti sur une vision collective et cohérente. Le chemin vers 2025 sera long et semé d’embûches, mais il reste une opportunité pour le FPI de se réinventer et de retrouver sa place dans le paysage politique ivoirien.
Pour cela, il faudra non seulement dépasser les querelles internes, mais aussi redonner au FPI sa raison d’être : être un mouvement au service des Ivoiriens, et non un champ de bataille pour ambitions personnelles. La question reste de savoir si Affi et ses adversaires sauront relever ce défi historique.
Oumarou Fomba
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