La Côte d’Ivoire a annoncé son intention de lancer son premier satellite dans les deux prochaines années. Une équipe de scientifiques spécialisés en astrophysique et en géologie explique à The Conversation Africa les avantages potentiels de cette avancée et comment le pays envisage de concrétiser ses ambitions dans le secteur spatial.
Quel type de satellite la Côte d’Ivoire prévoit-elle de lancer ?
YAM-SAT-CI 01 sera un nanosatellite pour l’observation de la Terre. Un nanosatellite est un petit satellite, pesant entre 1kg à 10kg. Il sera équipé d’une caméra capable de fournir des images de la côte, des forêts, des parcs naturels et des zones urbaines du pays.
La construction du satellite est entièrement ivoirienne. Elle a été confiée à Universal Konstructors Associated, une entreprise privée ivoirienne promouvant le développement scientifique et technologique, en partenariat avec l’Institut National Polytechnique Félix Houphouët-Boigny de Yamoussoukro.
Il s’agit de la première étape vers des satellites et des capteurs plus sophistiqués qui ont de nombreuses applications. Ils peuvent par exemple détecter, surveiller et cartographier les menaces qui pèsent sur la sécurité nationale, l’immigration clandestine, la déforestation, les activités illégales d’exploitation aurifère, l’humidité des sols et les réservoirs d’eau. Ils peuvent contribuer à minimiser les conséquences des inondations ou des sécheresses.
En Côte d’Ivoire, un tel satellite pourrait appuyer les efforts du gouvernement visant à réglementer l’exploitation minière artisanale et à lutter contre les activités illégales et la dégradation de l’environnement.
Ces applications reposent sur des algorithmes sophistiqués de traitement d’images, notamment l’utilisation de l’intelligence artificielle.
Quels sont les autres avantages et retombées potentiels ?
L’observation de la Terre fournit des données pour l’agriculture, la gestion des catastrophes et la planification urbaine. Le satellite prend en charge diverses applications, notamment la surveillance de la santé, de la végétation, la cartographie des ressources en eau et l’analyse des modèles de croissance urbaine.
Outre les avantages directs de la technologie, elle contribue au développement scientifique et économique de la nation.
Le projet de construction et de lancement d’un satellite s’accompagne généralement d’un renforcement des capacités dans de nombreux secteurs liés à l’industrie spatiale. Il implique des ingénieurs et des scientifiques pour développer des capteurs et le segment terrestre permettant de suivre le satellite et de communiquer avec lui.
D’autres avantages importants de ces projets incluent une utilisation plus large de la technologie spatiale. Le lancement d’un satellite peut conduire à une utilisation accrue des données et des produits d’observation de la Terre, fournis par les nombreux satellites en orbite autour de notre planète.
Qui sera impliqué dans ce projet ?
Les secteurs académique et privé ont tous un rôle à jouer dans cette aventure scientifique, technique et politique.
Par exemple, l’Institut National Polytechnique Félix Houphouet-Boigny a déjà prévu de mettre en place de nouveaux cursus dans le domaine de l’espace et de l’aéronautique. Une nouvelle génération de jeunes ingénieurs en bénéficiera directement. Par ailleurs, une association ivoirienne d’astronomie a été lancée. Ses activités de sensibilisation visant à promouvoir l’astronomie et les sciences spatiales auprès du grand public permettront d’accroître la culture scientifique de la population. Elle pourra inspirer la jeune génération à suivre des carrières scientifiques.
Enfin, l’Université Félix Houphouët-Boigny dispose d’un laboratoire spécialisé en matière d’observation de la Terre depuis l’espace : le Centre Universitaire de Recherche et d’Application en Télédétection. Ses étudiants peuvent également contribuer à la conception, à la stratégie liée à la mission et aux applications des satellites ivoiriens.
Que font les autres pays africains en matière de technologie spatiale ?
Le rapport sur l’industrie spatiale en 2022 de la société de conseil Space in Africa indique que la valeur de l’industrie en Afrique devrait atteindre 22,64 milliards de dollars en 2026, contre 19,49 milliards de dollars en 2021. Le rapport indique que les nations africaines ont alloué 534,9 millions de dollars aux programmes spatiaux en 2022, contre 523,2 millions de dollars en 2021. Ces investissements indiquent que l’Afrique se prépare à une utilisation plus large de la technologie spatiale pour faire face aux divers défis auxquels elle fait face.
Par exemple, le 23 avril 2023, le Kenya a lancé son premier satellite, appelé Taifa-1, avec l’aide de SpaceX. Le satellite est équipé d’une caméra optique et devrait fournir des données de surveillance agricole et environnementale pour le Kenya.
En 2021, la Tunisie a lancé son premier satellite 100% tunisien. Le Zimbabwe, l’Ouganda, l’Égypte et l’Angola ont également lancé des satellites au cours des 12 derniers mois. En avril 2023, le président Macky Sall a annoncé le lancement de l’Agence sénégalaise d’études spatiales.
L’Égypte, le Nigeria et l’Afrique du Sud sont les pays africains les plus avancés sur les questions spatiales. Par exemple, ZACube, lancé en décembre 2018, est un nanosatellite développé par l’Agence spatiale nationale sud-africaine en collaboration avec des universités locales. Il se concentre sur la sécurité du trafic maritime dans les eaux côtières sud-africaines.
L’agence nationale de recherche et de développement spatiaux du Nigeria a été créée en 1999. Elle a lancé cinq satellites depuis 2003.
En décembre 2022, le Nigeria et le Rwanda sont devenus les premiers pays africains à signer les Accords Artemis, un cadre dirigé par la NASA qui définit les meilleures pratiques en matière d’exploration spatiale durable.
Il est clair que de plus en plus de pays africains investissent dans les technologies spatiales.
La première étape consiste à sensibiliser la population sur les questions spatiales et aux avantages de l’investissement dans les technologies spatiales. Nous devons commencer à créer des cours de formation liés à l’espace et à promouvoir les sciences spatiales dans les pays africains.
David Baratoux, Geologist, Institut de recherche pour le développement (IRD); Aziz Diaby Kassamba, Enseignant chercheur en physique de l’espace, Université Félix Houphouët-Boigny. Cocody, Côte-d’Ivoire; Marc Harris Yao Fortune, Enseignant-chercheur, astrophysicien , Université Félix Houphouët-Boigny. Cocody, Côte-d’Ivoire; Marie Korsaga, Enseignant-Chercheur en physique chimie, Université Joseph Ki-Zerbo, and Pancrace Aka, Épistémologue, Historien des sciences et Logicien, Université Félix Houphouët-Boigny. Cocody, Côte-d’Ivoire
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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