Home A la Une Immatriculation des véhicules : pourquoi les Maliens ne récupèrent-ils pas leurs plaques ?

Immatriculation des véhicules : pourquoi les Maliens ne récupèrent-ils pas leurs plaques ?

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Alors que le Mali modernise son système d’immatriculation, plus de 11 000 plaques attendent toujours d’être retirées. Entre inertie administrative et manque d’engagement des citoyens, ce retard pose la question plus large de l’adhésion aux réformes. Pourquoi ce blocage et quelles solutions envisagées ?

Il y a quelque chose d’étonnant, voire de paradoxal, dans les réformes administratives en Afrique. L’État modernise, les infrastructures évoluent, mais les habitudes restent figées.

Au Mali, plus de 11 000 plaques d’immatriculation attendent aujourd’hui d’être retirées, selon le département en charge des Transports et des Infrastructures. Elles s’entassent dans les locaux de la Direction régionale des Transports du District de Bamako, fruit d’un effort bureaucratique colossal, mais visiblement peu suivi d’effets.

Le Directeur général des Transports, Mamadou Tierno Sow, s’en étonne lui-même, sur les antennes de la télévision publique d’État. « Les machines tournent à plein régime, la production suit, mais les retraits restent timides », affirme-t-il lors d’une visite à l’unité de confection des plaques. Autrement dit, tout a été mis en place pour que le processus soit fluide, mais les citoyens ne suivent pas.

Une réforme ambitieuse, un manque d’adhésion

Loin d’être une improvisation, cette réforme de l’immatriculation des véhicules a été soigneusement pensée. Par un communiqué du 30 septembre 2024, le ministère des Transports et des Infrastructures informait la population du lancement des nouvelles immatriculations, en application de l’Arrêté n° 2023-5150/MTI-SG du 29 décembre 2023.

Ce document fixe «les détails des règles générales d’immatriculation des véhicules » au Mali. Il impose notamment à tout véhicule motorisé de disposer d’un certificat d’immatriculation valable cinq ans, plus connu sous le nom de « carte grise », délivré par la Direction générale des Transports. Cette carte est désormais un document sécurisé, disponible en format papier ou plastifié. C’est le 22 septembre 2024, date symbolique de l’indépendance du Mali, que cette réforme était officiellement lancée. Par ailleurs, les plaques d’immatriculation doivent être « fixées de manière inamovible » et correspondant à des codes couleurs précis : pour l’administration, blanc pour les véhicules personnels, rouge pour les véhicules commerciaux, et vert pour les missions diplomatiques.

L’arrêté renforce également le cadre légal des mutations de propriété. « Tout acquéreur d’un véhicule déjà immatriculé doit demander l’établissement d’une carte grise à son nom avant toute nouvelle cession », précise le texte. De même, tout véhicule retiré de la circulation pour des raisons de destruction ou de vol doit être déclaré aux autorités. 

En imposant un contrôle plus strict sur l’immatriculation et la traçabilité des véhicules, cette réforme entend lutter contre la fraude, la circulation des véhicules volés et les usages illicites. Elle marque ainsi une étape clé dans la modernisation du système des transports au Mali.

Le but de cette réforme est d’assurer une meilleure identification des véhicules, renforcer la sécurité routière et lutter contre les fraudes.

Et pourtant, aujourd’hui, les plaques restent sur les étagères, oubliées. Pourquoi ?

L’éternel problème de la bureaucratie et du changement

Ce phénomène est révélateur d’une réalité plus profonde. Partout dans le monde, et plus particulièrement en Afrique, la modernisation des services publics ne suffit pas. Il faut encore que les populations adhèrent au processus et l’intègrent dans leur quotidien.

Pourquoi un tel retard ? Les causes sont multiples. L’information circule-t-elle bien ? Les citoyens sont-ils suffisamment sensibilisés ? La procédure est-elle trop lourde ?

Car le problème ne vient pas uniquement de la population. Il y a aussi l’administration malienne, dont la lenteur légendaire décourage souvent ceux qui voudraient accomplir une démarche simple. Attente interminable, documents manquants, formulaires à remplir, files d’attente sans fin… Il suffit d’un grain de sable dans l’engrenage pour que tout s’arrête.

Mais il y a pire : le manque d’intérêt. Beaucoup de citoyens ne voient tout simplement pas l’urgence de récupérer leurs plaques, ou pensent qu’ils pourront le faire plus tard, sans contrainte.

Vers des solutions ?

Cette situation pose une question essentielle : à quoi bon moderniser l’administration si les mentalités ne suivent pas ?

Un État peut déployer les meilleurs systèmes, les plus beaux projets, les réformes les plus ambitieuses, mais tant que les citoyens ne jouent pas le jeu, le pays reste englué dans une inertie qui freine son développement.

À terme, cette lenteur administrative et ce manque d’adhésion risquent d’avoir des conséquences. Si les immatriculations restent incomplètes, comment garantir une sécurité routière optimale ? Comment lutter contre les fraudes et l’usage de véhicules non déclarés ?

Que faire alors ? Le Directeur général des Transports insiste sur l’urgence de la situation et invite les propriétaires de véhicules à venir retirer leurs plaques sans délai.

Mais une solution plus radicale pourrait être envisagée : imposer une date limite stricte, après quoi des sanctions seraient appliquées. En d’autres termes, forcer l’action là où la volonté manque.

Autre piste : numériser totalement le processus. Aujourd’hui, au lieu de se rendre physiquement sur place, pourquoi ne pas mettre en place un système de retrait plus rapide, un suivi digital des dossiers, voire une livraison des plaques à domicile ?

L’exemple d’autres pays africains, qui ont réussi la transition numérique de l’administration, montre que c’est possible.

Un test pour l’avenir du Mali

L’immatriculation des véhicules peut sembler un sujet anecdotique. Mais elle est en réalité un révélateur puissant de la capacité du Mali à se moderniser. Si une réforme aussi simple peine à s’appliquer, qu’en sera-t-il des grands chantiers qui attendent le pays ?

Le développement passe par la rapidité, l’efficacité et la responsabilisation des citoyens. Ce retard dans les immatriculations n’est pas une simple anecdote administrative. Il est le reflet d’un pays qui hésite encore entre tradition et modernité, entre immobilisme et action.

Le Mali a le choix : accélérer le mouvement ou rester à l’arrêt.

A.D


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