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Guinée-Mali : quand les bêtes font les frais du politique

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La porosité saisonnière des frontières a toujours été, en Afrique de l’Ouest, un fait plus culturel que politique. Jusqu’à ce qu’un décret en fasse une ligne rouge.

Dans une note officielle datée du 28 mars 2025, le gouverneur de la région administrative de Kankan, au sud-est de la Guinée, ordonne la suspension immédiate des mouvements de transhumance en provenance du Mali. Une interdiction ferme, sans appel, qui court jusqu’à nouvel ordre, et s’applique à tous les troupeaux de zébus maliens.

Motif invoqué : la mise en cause d’un protocole inter-États ratifié par Conakry et Bamako dans le cadre de la CEDEAO, relatif à la gestion des flux pastoraux. En d’autres termes, l’échec, une fois de plus, d’un accord régional à contenir les tensions locales.

Le document, signé du colonel Moussa Condé, gouverneur de la région, instruit les préfets de Kankan, Kouroussa, Kérouané, Mandiana et Siguiri d’interdire toute nouvelle entrée de troupeaux étrangers sur le territoire guinéen.
Le ton est martial, l’avertissement clair. Tout contrevenant s’exposera à des « sanctions judiciaires sévères ».

En Guinée, le zébu est devenu suspect

La date butoir est fixée au 15 avril 2025. Passé ce délai, tout animal malien franchissant la frontière guinéenne le fera à ses risques et périls.

Derrière cette décision, des tensions sourdes. Celles qui opposent, depuis des années, éleveurs et agriculteurs dans les zones rurales aux équilibres précaires. Celles aussi, plus récentes, qui traduisent un climat de méfiance régionale entre États voisins devenus « frères ennemis » depuis les bouleversements politiques de 2021 et 2023.

Les autorités guinéennes de la transition, tout comme celle du Mali, ont beau partager une défiance vis-à-vis des institutions classiques de la CEDEAO, leurs intérêts ne convergent pas toujours sur le terrain. 

A Kankan, c’est l’autorité territoriale qui prime sur la diplomatie régionale. Au-delà de la technicité apparente du communiqué, ce que révèle cette mesure, c’est une lente mais certaine re-fermeture des frontières ouest-africaines, longtemps tenues pour perméables, presque symboliques. Le bétail, comme souvent, devient le thermomètre d’une intégration en panne. Et ce sont les pasteurs, les nomades, les éleveurs — ces citoyens sans carte d’identité mais avec un mode de vie — qui en paient le prix fort.

Dans cette Guinée-là, le zébu est devenu suspect. Et la transhumance, un délit.

A.D


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