Home A la Une Gestion des déchets : comment le contrat Ozone a laissé Bamako dans l’insalubrité

Gestion des déchets : comment le contrat Ozone a laissé Bamako dans l’insalubrité

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Le rapport annuel 2023 de l’OCLEI met en lumière les irrégularités entourant le contrat entre la Mairie du District de Bamako et Ozone Mali. Ces irrégularités sont le symbole des défis de gouvernance publique au Mali.

Comme un miroir tendu à la gouvernance publique, le rapport annuel 2023 de l’OCLEI, remis au président de la transition, le général Assimi Goïta, le 29 novembre dernier, reflète les zones d’ombre et les aspérités d’un contrat qui devait illuminer Bamako, mais a laissé la ville embourbée dans ses déchets. Entre promesses non tenues et transparence bafouée, ce document éclaire d’un jour cru les dérives d’une gestion qui menace de transformer l’espoir d’une capitale propre en un mirage lointain.

Depuis plusieurs années, la gestion des déchets reste un défi majeur pour la ville de Bamako. Le partenariat entre la Mairie du District et la société Ozone Mali, du groupe marocain Ozone Environnement et Services, censé répondre à cette problématique, est désormais au cœur d’un scandale mêlant opacité, mauvaise gestion, et soupçons de corruption. Loin de résoudre les problèmes chroniques de salubrité, ce contrat incarne les failles structurelles des marchés publics au Mali.

Des débuts marqués par des zones d’ombre

Signé avec beaucoup de promesses, en 2014, le contrat liant la Mairie du District et Ozone Mali était présenté comme une solution innovante à l’insalubrité urbaine. Cependant, dès sa mise en œuvre, il a suscité des interrogations. Selon le rapport annuel de l’Office Central de Lutte contre l’Enrichissement Illicite (OCLEI), le processus de passation du marché a été entaché de graves irrégularités. L’OCLEI souligne « l’absence d’un appel d’offres transparent, laissant place à une attribution directe non justifiée. » Ce manque de rigueur dans la procédure pose la question d’éventuels conflits d’intérêts ou d’accords sous-jacents entre les parties impliquées.

En outre, les clauses du contrat sont restées floues, tant sur les obligations précises de la société Ozone que sur les mécanismes de suivi et d’évaluation de ses performances. Ce laxisme administratif a favorisé l’émergence de nombreuses défaillances, à commencer par le non-respect des cahiers de charges, pourtant essentiels à la bonne exécution du contrat.

Une gestion financière préoccupante

L’un des aspects les plus troublants du partenariat réside dans la gestion financière. L’OCLEI rapporte que « des paiements significatifs ont été effectués sans preuves tangibles de la réalisation des services promis. » Ces sommes, censées être investies dans la collecte et le traitement des déchets, n’ont pas produit les résultats attendus. À Bamako, les montagnes de déchets s’accumulent, exposant les habitants à des risques sanitaires majeurs.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : plusieurs centaines de millions de francs CFA auraient été versées à Ozone, alors que la ville reste engorgée par des ordures. Cette disparité entre les ressources mobilisées et les résultats obtenus soulève des questions légitimes. Le rapport de l’OCLEI appelle ainsi à « un audit financier rigoureux pour retracer les flux monétaires et identifier d’éventuelles malversations. »

Les conséquences sur la population

Pendant que ce partenariat dysfonctionnel se perpétue, ce sont les habitants de Bamako qui en paient le prix fort. L’insalubrité ambiante aggrave les conditions de vie dans une ville déjà confrontée à de multiples défis urbains. Les tas de déchets attirent les nuisibles, polluent l’air, et augmentent les risques de maladies. Pour les citoyens, l’échec du contrat Mairie-Ozone est non seulement un scandale économique, mais aussi une injustice sociale.

« L’inefficacité de ce contrat impacte directement la santé et la qualité de vie des habitants, » souligne un observateur cité dans le rapport. Dans les quartiers périphériques, où les infrastructures sont déjà limitées, l’absence de collecte régulière aggrave un sentiment d’abandon. Pour beaucoup, ce fiasco illustre l’écart entre les promesses politiques et la réalité quotidienne.

L’impunité : un mal récurrent

Ce dossier met également en lumière le problème récurrent de l’impunité dans la gestion des affaires publiques au Mali. Malgré les dénonciations et les rapports accablants, peu d’actions concrètes ont été entreprises pour demander des comptes aux responsables. L’OCLEI insiste sur la nécessité de « sanctionner les acteurs impliqués dans cette mauvaise gestion, afin de rétablir la confiance et d’instaurer une culture de redevabilité. »

Au-delà des sanctions, une réforme en profondeur des processus de passation des marchés publics s’impose. Une gestion plus rigoureuse, axée sur la transparence et la participation citoyenne, pourrait prévenir la répétition de tels abus. L’OCLEI propose également de renforcer les contrôles préventifs et les audits indépendants pour détecter les anomalies en amont.

Une occasion de réforme ?

Le cas Ozone pourrait servir de leçon pour réorienter les politiques publiques en matière de gouvernance locale. Il illustre le besoin urgent de professionnaliser les administrations locales, de renforcer les institutions de contrôle, et d’impliquer davantage les citoyens dans la gestion des projets urbains.

Pour rétablir l’ordre, des mesures concrètes s’imposent : annuler les contrats défaillants, relancer des appels d’offres transparents, et établir des mécanismes clairs de suivi et d’évaluation. L’exemple d’autres villes africaines, ayant misé sur des solutions innovantes comme le recyclage communautaire et la gestion participative, pourrait inspirer Bamako.

Le partenariat entre la Mairie du District et Ozone, loin d’être un modèle, est devenu un symbole des dysfonctionnements institutionnels qui freinent le développement du Mali. Alors que la corruption et l’impunité continuent de miner les efforts de gouvernance, il est impératif de tirer les leçons de cet échec. Comme le conclut le rapport de l’OCLEI : « La lutte contre la corruption est un impératif moral et économique, sans lequel le développement durable reste un mirage. » Pour Bamako, il est encore temps de reprendre le contrôle et de mettre en place une gestion plus responsable et équitable.

Alassane Diarra 


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