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France – Un pouvoir à bout de souffle : Matignon en crise, l’Élysée en sursis

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À force de mépriser les corps intermédiaires, d’ignorer les alertes et de gouverner en solitaire, le président s’est piégé lui-même. La démission express de Sébastien Lecornu, dernier fusible d’un système à l’agonie, signe l’échec d’un pouvoir centré sur une verticalité autoritaire et creuse. L’Élysée, jadis centre de gravité politique, n’est plus qu’un bunker assiégé. L’arrogance présidentielle, érigée en méthode de gouvernement, n’a engendré que paralysie, défiance et chaos. Le régime vacille, et Macron se retrouve seul face aux ruines de son propre règne.

Lecornu n’est que le dernier d’une série de Premiers ministres broyés par un système en panne : Gabriel Attal n’avait tenu qu’un semestre, Michel Barnier trois mois, François Bayrou moins d’un an. Quatre chefs de gouvernement en moins de deux ans, tous nommés par Emmanuel Macron, tous incapables de bâtir une majorité durable à l’Assemblée nationale. Pis, Lecornu détient le record de brièveté de toute la Ve République, battant même les standards de la IVè, souvent moquée pour son instabilité chronique.

C’est le paradoxe actuel : un président doté d’immenses pouvoirs constitutionnels, mais dépourvu de soutien parlementaire depuis les législatives de 2022, désormais prisonnier d’un système hyper-présidentialisé incapable de fonctionner sans majorité stable.

Une impasse politique doublée d’une tempête économique

L’instabilité politique chronique s’ajoute à un contexte économique délétère. Avec une dette publique dépassant les 3 400 milliards d’euros, soit 115,6 % du PIB, la France est entrée dans une zone de turbulence financière. La chute du CAC 40 (-1,70 %), la hausse brutale du taux d’intérêt français à dix ans, et la dépréciation de l’euro face au dollar ne sont pas des accidents. Ils traduisent la défiance croissante des marchés face à un État jugé ingouvernable.

Le gouvernement Bayrou, déjà, avait chuté sur un projet d’économies de 44 milliards d’euros. Le retour de Bruno Le Maire dans le gouvernement Lecornu, censé rassurer, a au contraire réveillé les fantômes budgétaires du macronisme. Sa nomination aux Armées — une provocation pour certains cadres LR — a accéléré la dislocation d’une coalition déjà fragile. À peine l’équipe Lecornu était-elle annoncée que Retailleau dénonçait une « rupture trahie » et convoquait une réunion d’urgence du parti Les Républicains.

Les appels à la démission d’Emmanuel Macron se banalisent

Mais là où l’événement Lecornu devient un tournant historique, c’est que la crise ne s’arrête plus à Matignon. Elle remonte désormais à l’Élysée. Depuis plusieurs mois, des élus de La France insoumise réclamaient le départ d’Emmanuel Macron. Aujourd’hui, ces appels franchissent les frontières partisanes. Julien Bainvel, élu LR de la métropole nantaise, l’a dit sans détour : « Emmanuel Macron doit démissionner. »

Même son de cloche chez les députés insoumis de Loire-Atlantique. Matthias Tavel (Saint-Nazaire) exige que la motion de destitution contre Macron soit examinée en urgence. Andy Kerbrat (Nantes) réclame que « Macron suive Lecornu et démissionne à son tour. » À gauche, les socialistes ne vont pas jusque-là, mais dénoncent un « mépris total des aspirations au changement », selon les mots de Karim Benbrahim.

Jamais un président de la Ve République n’a été aussi isolé politiquement, sans majorité, sans relais stable, sans confiance populaire, et désormais sans gouvernement.

Vers une fin de règne précipitée ?

Face à cette impasse, les options d’Emmanuel Macron sont toutes périlleuses : dissoudre l’Assemblée au risque d’offrir le pouvoir à l’extrême droite, nommer un énième Premier ministre condamné à l’échec, ou affronter frontalement la question de sa propre légitimité.

Car au fond, ce qui se joue désormais, ce n’est plus la survie d’un gouvernement, mais celle d’un régime arrivé au bout de sa logique verticale. La Ve République ne permet plus ni la représentation politique, ni la stabilité gouvernementale. Et le président qui s’était présenté comme le « maître des horloges » enchaîne les crises comme un funambule sans filet.

Il est temps d’en tirer les conséquences. Pour certains, cela signifie le départ pur et simple d’Emmanuel Macron. Pour d’autres, une transition vers une VIe République. Dans tous les cas, le cycle du macronisme est à l’agonie. Reste à savoir s’il mourra dans un fracas ou dans le silence.

Ibrahim Kalifa Djitteye 


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