À Fambita, des fidèles en prière ont été massacrés dans leur mosquée, rappel que les terroristes sont loin d’être de Dieu.
Dans ce triangle de feu que l’on appelle la zone des « trois frontières », où les cartes du Sahel se froissent sous le poids des kalachnikovs et des serments d’allégeance à l’État islamique ou à Al-Qaïda, le sang n’a plus le temps de sécher. Vendredi 21 mars 2025, à Fambita, village perdu du sud-ouest nigérien, alors que le soleil couchant offrait aux fidèles un peu de répit dans le jeûne, des hommes armés sont entrés dans la mosquée. Ils n’y ont pas prié. Ils ont tué.
Quarante-quatre morts. Tous civils. Tous en prière.
Ils ont cerné le lieu de culte à 14 heures. Un vendredi. Le jour sacré de la semaine musulmane. Ils ont ouvert le feu, méthodiques, impitoyables, pendant que les fidèles accomplissaient leur salat. Puis, comme pour parachever l’horreur, ils ont incendié le marché et les habitations. La cruauté en guise de signature, la terreur en lieu et place de revendication. L’État islamique dans le Grand Sahara (EIGS), selon les autorités nigériennes.
Fambita n’est pas qu’un village. C’est un symbole. Celui d’un territoire où l’État est devenu une ligne fantôme, où la République ne s’exerce plus qu’en communiqués de presse et en promesses de vengeance. Tillabéri, région enclavée, est depuis des années le théâtre d’un chaos organisé. Là, les soldats nigériens de l’opération « Niya » affrontent une guérilla insaisissable, mouvante, nourrie par la pauvreté, l’abandon et l’extrémisme.
Djerma, Touaregs, Peuls, les communautés civiles, elles, vivent au rythme des déplacements forcés, des massacres sporadiques, des marchés réduits en cendres. En décembre dernier déjà, 21 civils étaient tués lors d’une attaque contre un convoi de marchandises. La frontière avec le Burkina Faso n’est plus qu’une ligne poreuse de transit pour les camions… et pour les tueurs.
Les autorités de la transition sous pression
À Niamey, les autorités maliennes de la transition issues du coup d’État de juillet 2023 tente de contenir une crise sécuritaire devenue structurelle. Le président déchu, Mohamed Bazoum, est toujours détenu. Le nouveau régime, lui, promet la sécurité, annonce des plans, fait défiler des généraux, multiplie les communiqués.
Mais sur le terrain, les chiffres parlent d’eux-mêmes : plus de 2 400 morts depuis la prise de pouvoir, selon l’ONG Acled. L’ennemi, lui, ne respecte ni les frontières, ni les horaires, ni les prières. Il s’infiltre, tue, disparaît. Et recommence.
Le ministère de l’Intérieur a décrété un deuil national de 72 heures. Trois jours de silence. Trois jours de deuil. Et après ? Une nouvelle attaque ? Un nouveau communiqué ?
L’ultime profanation
Comme ses voisins malien et burkinabè, le Niger a rompu avec la France, quitté la CEDEAO, et s’est replié sur la toute nouvelle Alliance des États du Sahel (AES). Une confédération qui promet une armée commune de 5 000 hommes. Des opérations conjointes sont annoncées, planifiées, parfois engagées.
Mais à Fambita, ce ne sont ni les colonnes de l’AES ni les drones russes ni les discours souverainistes qui ont empêché le massacre. Car ces 44 morts ne sont pas que des victimes du fanatisme. Ils sont aussi les martyrs silencieux d’une guerre que personne ne maîtrise, que beaucoup exploitent, et que trop de dirigeants dans le monde instrumentalisent.
Il y a quelque chose de plus cruel encore dans cette attaque. La négation absolue du sacré. S’en prendre à des fidèles en prière, c’est tuer deux fois : l’homme et ce qu’il croit. C’est dire au monde que même Dieu n’est plus un refuge.
Alors que le pays observe trois jours de deuil, que les familles enterrent leurs morts et que les communiqués se succèdent, une seule question demeure : combien de Fambita faudra-t-il encore pour que la parole cède enfin la place à la protection ?
La rédaction
En savoir plus sur Sahel Tribune
Subscribe to get the latest posts sent to your email.