Fermeture de l’université de Ziguinchor et suspension des organisations étudiantes : un nouvel épisode de la crise universitaire en Afrique, entre revendications légitimes et réponses répressives.
La fermeture temporaire de l’université Assane-Seck de Ziguinchor, au Sénégal, et la dissolution des organisations d’étudiants est encore la preuve de la fragilité des systèmes universitaires en Afrique de l’Ouest face aux revendications légitimes des étudiants. Ce coup d’arrêt, décidé après des heurts entre forces de l’ordre et étudiants, met en lumière un malaise profond qui dépasse les frontières sénégalaises et résonne avec des réalités similaires ailleurs, notamment au Mali.
L’université, miroir des insuffisances structurelles
Les griefs des étudiants de Ziguinchor ne sont ni nouveaux ni propres à cette institution : insuffisance des infrastructures, pénurie de logements, état dégradé des bâtiments, manque de moyens et coupures d’électricité incessantes. Ces revendications traduisent un déséquilibre entre l’augmentation des effectifs universitaires et la capacité des institutions à offrir un cadre propice à l’apprentissage.
Les troubles à Ziguinchor révèlent un point critique : l’incapacité des États à anticiper et gérer les tensions étudiantes, souvent exacerbées par l’absence de dialogue sincère. Ce constat est d’autant plus alarmant que le président sénégalais, Bassirou Diomaye Faye, a dû demander un « plan d’urgence » pour achever les travaux en cours dans les universités publiques. Pourquoi attendre l’explosion des crises pour agir ? La situation rappelle la difficulté des gouvernements à faire de l’éducation une priorité stratégique.
Quand les organisations étudiantes deviennent le problème
La dissolution des amicales et de la coordination des étudiants de l’université de Ziguinchor est une réponse répressive qui pose question. Ces structures, censées être des partenaires dans la résolution des conflits, sont souvent perçues comme des foyers de contestation, et surtout de violence. Cette décision du conseil académique fait écho à une mesure similaire prise par les autorités maliennes en mars 2024, lorsqu’elles ont dissout l’Association des Élèves et Étudiants du Mali (AEEM).
Au Mali, l’AEEM, autrefois acteur clé des revendications estudiantines, était devenue un symbole de dysfonctionnements, gangrénée par des pratiques de violence et des luttes de pouvoir. Sa suspension, bien que saluée par certains, a laissé un vide dans la représentation des étudiants. Cette situation soulève une question essentielle : peut-on dissoudre une organisation sans offrir d’alternative crédible pour canaliser les revendications ?
L’épineuse question de la gestion des campus
La fermeture de l’université Assane-Seck jusqu’à nouvel ordre, accompagnée de l’arrêt des services de logement et de restauration, amplifie la détresse des étudiants. Obliger ces derniers à rendre les clés de leurs chambres avant le 29 novembre revient à les plonger dans une précarité immédiate. Cette décision draconienne met en évidence une gestion des crises universitaires souvent improvisée et insensible aux conséquences sociales.
Dans ce contexte, les appels du président sénégalais à garantir « la continuité des activités pédagogiques et la stabilité sociale » semblent en décalage avec les réalités du terrain. Comment assurer cette continuité lorsque les étudiants sont contraints de quitter leur campus et que les structures censées les accueillir sont en ruine ?
Le parallèle avec le Mali : une leçon à méditer
La situation au Sénégal rappelle les défis auxquels est confronté le Mali. En suspendant l’AEEM, les autorités de transition maliennes avaient espéré restaurer un climat propice à l’éducation. Cependant, cette mesure a également privé les étudiants d’une voix structurée pour défendre leurs droits. Aujourd’hui, au Sénégal comme au Mali, l’absence de dialogue véritable et de solutions pérennes risque d’alimenter un sentiment de marginalisation et de défiance parmi les étudiants.
La crise de l’université Assane-Seck n’est pas un problème isolé ; elle reflète un enjeu continental. Les systèmes éducatifs africains, souvent sous-financés, peinent à répondre à une demande croissante. Pourtant, l’éducation reste la clé pour sortir des cycles de pauvreté et d’instabilité. Il est urgent que les gouvernements cessent de considérer les universités comme des charges et les voient plutôt comme des investissements stratégiques pour l’avenir.
Une opportunité pour repenser l’éducation
La fermeture de Ziguinchor, comme la suspension de l’AEEM, peut être une opportunité de repenser les rapports entre les autorités, les étudiants et les institutions éducatives. Le dialogue, l’écoute et l’investissement durable dans l’éducation sont les seuls moyens de transformer ces crises en opportunités de refondation.
En attendant, le silence des amicales dissoutes et des étudiants dispersés à Ziguinchor résonne comme un écho à celui des campus maliens privés de leur organisation étudiante. Un silence qui n’est pas synonyme de paix, mais qui préfigure une tempête si les vraies questions ne sont pas posées et, surtout, résolues.
Oumarou Fomba
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