Le Mali entre dans une nouvelle ère économique avec l’exploitation du lithium de Goulamina. Portée par un code minier ambitieux et une volonté politique affirmée, cette relance minière transformera le pays en acteur stratégique de la transition énergétique mondiale.
Dans les failles telluriques du sous-sol malien repose aujourd’hui bien plus que du minerai : s’y joue, en sourdine, l’avenir stratégique d’un pays longtemps confiné au rôle ingrat d’exportateur de misère et de miséricorde. Le 15 décembre 2024, en inaugurant la mine de Goulamina, le président Assimi Goïta n’a pas simplement donné le coup d’envoi d’une opération industrielle — il a enclenché une transition historique : celle d’un Mali des marges vers un Mali des leviers.
Démonstration musclée de volontarisme économique
Lithium, vous avez dit lithium ? Le mot, désormais omniprésent dans les cénacles diplomatiques et les salles de marché, est devenu le symbole chimique d’un monde post-pétrole en quête de protons verts. Ce sel blanc de l’avenir, la République du Mali en est aujourd’hui le deuxième détenteur africain. Et Bamako, dans un sursaut souverain, a décidé qu’il ne serait plus question que d’autres écrivent les clauses et encaissent les dividendes.
Car au cœur de ce basculement énergétique mondial, les autorités de la transition ont sorti de leur malle constitutionnelle un outil de reconquête : le nouveau Code minier de 2023. Participation obligatoire de l’État, sous-traitance locale majoritaire, et surtout, redistribution régionale des revenus. Une révolution tranquille dont la mine de Goulamina est le prototype. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 160 millions de dollars par an, 2 000 emplois directs, 10 000 indirects, et un apport budgétaire équivalant à 12 % des recettes publiques. Autant dire un pactole — encore faut-il savoir s’en servir.
Et c’est là que le général-président semble avoir compris une chose que d’autres avant lui ont ignorée : dans les relations extractives, la géologie sans stratégie n’est qu’un mirage de plus dans l’océan sahélien des illusions perdues. Ce n’est pas pour rien que l’État malien, dans une démonstration musclée de volontarisme économique, a injecté 20 milliards de FCFA dans le projet. Désormais, 35 % du gâteau appartient à la nation — un chiffre qui, dans les palais feutrés des anciens bailleurs, fait grincer quelques dents en or.
Des chiffres implacables
Mais, que l’on ne s’y trompe pas : le pari est risqué. Car pour chaque mine d’or ou de lithium, le Mali a connu son lot d’envolées lyriques non suivies d’effets. Goulamina doit être autre chose qu’un mirage de plus. Il faudra surveiller les clauses locales, traquer les contournements juridiques, auditer chaque centime et garantir qu’aucun dividende ne s’évapore sous forme de commissions dissimulées ou d’évasions tropicales.
Plus encore, il faudra penser au lendemain. À quoi bon extraire, si l’on n’industrialise pas ? Bamako l’a compris. L’ambition désormais, c’est d’aller plus loin : construire des unités de transformation du spodumène, produire localement de l’hydroxyde de lithium, voire assembler demain — pourquoi pas — des batteries ou des composants pour l’automobile verte. Une souveraineté minérale qui devient souveraineté technologique. Et c’est là que le mot « refondation », trop souvent galvaudé, prend son sens.
Reste l’écueil environnemental. Les chiffres sont implacables : 4,5 millions de litres d’eau aspirés chaque jour, des déchets chargés en fluorine, des régions déjà assoiffées. La mine peut-elle cohabiter avec la vie ? C’est tout l’enjeu de la nouvelle gouvernance malienne, qui impose études d’impact, fonds de garantie et consultations citoyennes. Oui, il faut concilier développement et durabilité. Mais la misère, elle aussi, pollue — et elle tue plus sûrement que n’importe quelle exploitation minière.
Le lithium malien, ce n’est pas seulement un minerai : c’est un test. Test de gouvernance, de patriotisme économique, de vision géostratégique. Car dans cette partie de bras de fer entre nations africaines éveillées et multinationales gourmandes, ceux qui gagneront ne seront pas forcément ceux qui creusent le plus profond — mais ceux qui négocient le plus haut.
Chiencoro Diarra
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