Jusqu’à la lecture de l’oraison funèbre, le 20 avril 2023, j’avais de la peine à accepter l’évidence que je refusais depuis l’annonce de la mauvaise nouvelle, le 19 avril dernier. En effet, te connaissant bien, j’étais convaincu d’une chose : s’il y a bien eu attaque terroriste avec mort d’homme, même un seul mort, ce ne pouvait être que toi, adjudant Oumar Traoré. Tellement tu as côtoyé la mort que tu t’étais accoutumé aux risques. Toujours bien armé et prêt à défendre la délégation des œuvres sociales partout où nous nous sommes rendus.
Serein, courageux, ambitieux, intelligent, respecté et respectueux, l’adjudant Oumar Traoré, tu étais un vrai héros, qui avait réussi à dominer la peur. Tu étais un vrai soldat qui aimait relever les défis. Ce qui t’a valu d’ailleurs le bilan élogieux obtenu durant les deux années passées à la tête des œuvres sociales du président de la transition, ton chef, mais aussi ton frère.
Affectueusement appelé Douglas, l’adjudant Oumar Traoré ainsi que trois autres de ses compagnons (le chauffeur Alassane Diallo dit Capi, le directeur de l’entreprise Danaya forage Moussa Touré et l’agent de sécurité le Sergent-Chef Mohamed Sangaré) ont été arrachés à notre affection. L’hydre terroriste ne les a pas épargnés. Ils ont été lâchement tués, le 18 avril dernier alors qu’ils revenaient d’une mission de prospection dans la région de Nara dans le cadre œuvres sociales. Comme on le dit généralement, les héros ne nous tiennent pas longtemps compagnie, mais ne meurent aussi jamais, car leurs idéaux résisteront au temps.
La nouvelle, comme une foudre, m’est tombée au petit matin du mercredi 19 avril. J’étais abasourdi. J’avais l’impression de perdre mes pieds, de me vider de mon sang. Je n’avais plus de force et je perdais le souffle.
Douglas ou encore big chief, comme on aimait l’appeler au sein de l’équipe des œuvres sociales, était d’une race rare de militaire. Très courtois, humble, altruiste, Big chief entretenait avec les membres de sa délégation des œuvres sociales une relation d’amitié, de fraternité.
Bien qu’étant chef de cabinet, tu n’as jamais accepté que ce poste soit une barrière entre toi et nous autres membres de l’équipe. Tu aimais nous taquiner afin de briser le mur qu’on voulait mettre entre nous. <<Ne prenez pas au comptant tout ce que je vous dis. J’aime jouer avec les gens. Je dis très souvent des choses pour rigoler et puis je passe. Je ne suis pas rancunier>>, disais-tu le plus souvent pour détendre l’atmosphère lors de nos nombreuses missions à l’intérieur du Mali.
Mon big chief, je sais que la mort ne t’a jamais effrayé. D’ailleurs tu nous disais le plus souvent que si la mort devait t’emporter sur la voie des œuvres sociales, qu’il en soit ainsi. Car là tu mourrais noblement et en patriote, mort en étant en train de porter assistance aux plus démunies, de servir la patrie.
Coordinateur, planificateur et superviseur des œuvres sociales du chef de l’État, tu avais une intelligence et un courage hors du commun. J’enviais énormément ton degré d’intelligence malgré ton jeune âge. Tu avais la pleine conscience de tes capacités. Tu consultais chacun de nous, y compris ton chauffeur Capi, avant de prendre une quelconque décision.
Oui, le jeune Capi avec qui j’ai collaboré pendant tout ce temps était également un jeune chauffeur très dynamique et respectueux. Il était ton homme de confiance. Toujours souriant et disponible, Capi était un chauffeur déterminé qui ne laissait jamais transparaitre la fatigue. Il aimait toujours relever les défis que tu lui lançais.
Douglas, Capi et Touré étaient un trio avec lequel j’ai très souvent partagé le même véhicule lors de nos missions. En leur compagnie, on s’ennuyait jamais. Tous les trois aimaient faire rire, taquiner les autres ou se taquiner entre eux. Le jeune Touré, lui, ne semblait pas par contre préparer à ce voyage si tôt. <<J’aime ma femme et mon enfant. Je ne veux pas mourir maintenant et les abandonner seuls derrière moi>>, avait-il l’habitude de dire de façon ironique. Personne n’est prêt à mourir. Pourtant, nul ne peut échapper au piège de la mort !
Douglas, toi, qui avais toujours un agenda très chargé pour cette période de canicule, avec ses pénuries d’eau, quel avenir as-tu prévu pour les œuvres sociales du président de la transition ? Les offres d’adductions d’eau potable, de prise en charge et d’entretien des deux centaines de forages inaugurés à travers les différentes régions du Mali vont-elles se poursuivre?
Mon big chief, mon <<sinankun>>, mon ami, la surprise fut de trop ! La mort ne m’afflige pas généralement, mais j’ai du mal jusqu’ici à croire et accepter ta disparition aussi soudaine. Moi, Demba, Ouattara ou encore Samba, sommes inconsolables, parce que nostalgiques de nos petites causeries, après des journées chargées dans le cadre des œuvres sociales, devant les écrans de télévision. Que faire donc sinon nous résoudre à la volonté divine, qui est imminente par nature. Ainsi soi-il !
Plein de vie, amoureux du métier des armes, Douglas était un militaire qui avait sa patrie dans le cœur. Big chief, tes tapes amicales commencent à manquer à mon épaule. L’adjudant Oumar Traoré, toi qui n’as jamais voulu t’afficher devant les écrans, qui voulais toujours évoluer à l’ombre tout en réalisant de grandes œuvres, tu viens de rejoindre l’autre monde, supposé être, par d’autres, comme celui des ténèbres, mais que nous souhaitons bien illuminé pour ton séjour.
Tu n’as pas vécu inutilement. Tu as vécu en héros et tu es parti en héros. Puisse Dieu t’accueillir dans son paradis éternel auprès des autres grands héros !
Après une vie certes courte, mais palpitante et oriolée de résultats, tu mérites bien ce repos digne de héros, qui a déjà commencé par les honneurs de la nation reconnaissante. Dors en paix big chief ! Qu’Allah le Tout-Puissant dans sa miséricorde te gratifie de son paradis éternel !
Fousseni Togola
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