À l’heure où les nations redéfinissent leurs leviers de puissance, le Mali engage deux réformes majeures : un recensement agricole d’envergure et une refonte industrielle de sa filière textile. Deux décisions techniques, mais fondamentalement politiques, évoquées par le gouvernement le vendredi 28 mars 2025 lors de son hebdomadaire Conseil des ministres.
Alors que les États africains sont sommés de répondre à la double urgence de la souveraineté alimentaire et de la stabilité économique, le Mali esquisse, à travers deux chantiers discrets mais décisifs, les contours d’un nouveau modèle d’action publique.
Le Mali devient un architecte de sa propre trajectoire économique
D’un côté, la seconde phase du Recensement général agricole, prévue pour le 7 avril 2025, vise à collecter des données géoréférencées sur les exploitations, cheptels, équipements et zones de production. Une entreprise titanesque, couvrant plus de 28 000 zones de dénombrement, dont près des trois quarts ont déjà été explorées. Ce n’est pas un simple audit logistique, c’est la prise de conscience que la maîtrise de la donnée est aujourd’hui la première condition d’un pilotage éclairé du développement.
De l’autre, l’État malien vient de finaliser une fusion-absorption sans précédent dans le secteur stratégique du coton. La CMDT – Compagnie malienne pour le Développement des Textiles – devient une entité unifiée, absorbant ses quatre filiales régionales et l’Office du Classement. Une rationalisation administrative ? Oui. Mais surtout, une réaffirmation d’un contrôle national sur une ressource identitaire et économique majeure, à un moment où les chaînes de valeur mondiales deviennent plus incertaines que jamais.
L’histoire retiendra peut-être que ces deux réformes marquent un basculement. Celui d’un Mali qui cesse d’être un acteur réactif, et qui ambitionne de devenir un producteur de normes, un architecte de sa propre trajectoire économique.
Le XXIe siècle sera celui des États les plus lucides
La mondialisation, après l’illusion d’un monde plat, redessine les frontières de la puissance. Il ne suffit plus d’exporter ou d’importer, il faut comprendre, anticiper, mesurer. Ce que fait un recensement agricole massif. Il ne suffit plus de produire du coton, il faut intégrer, valoriser, industrialiser. Ce que permet une entreprise textile unifiée sous contrôle public.
Il est tentant de voir dans ces initiatives le simple rétablissement d’un État central. Mais ce serait en sous-estimer la portée. Il s’agit en réalité de refonder un contrat entre territoires, données, matières premières, et souveraineté économique. Un contrat que bien des pays développés, aujourd’hui, cherchent à réécrire dans l’urgence.
À ceux qui doutent encore de la pertinence d’un tel virage, il faudra rappeler que le XXIe siècle ne sera pas celui des pays les plus riches, mais celui des États les plus lucides.
Chiencoro Diarra
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