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Diplomatie en porte-à-faux : À Accra, la vitrine du Mali fissurée par la mauvaise gestion

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Censée incarner le sérieux de l’État malien à l’international, l’ambassade du Mali à Accra s’est révélée, à la faveur d’un audit, comme un condensé de dysfonctionnements administratifs, de gestions opaques et d’impunités budgétaires. À travers cette représentation diplomatique décriée, c’est toute une idée de l’État républicain qui vacille, entre négligence institutionnelle et faillite morale.

Dans le langage diplomatique, tout est mesure, pondération, codes. Mais à Accra, la représentation du Mali semble avoir oublié jusqu’au sens de la responsabilité républicaine. Un rapport du Vérificateur Général, couvrant les exercices 2021 à 2024, enfonce la porte d’une ambassade où les dérives budgétaires, les errements administratifs et les négligences comptables tiennent lieu de gouvernance.

Il y a un paradoxe saisissant à voir l’une des vitrines les plus symboliques de l’État malien à l’extérieur devenir le décor d’une dérive silencieuse. Car à l’Ambassade du Mali au Ghana, rien — ou presque — ne fonctionne comme il se doit. Selon le rapport, 36,6 millions de FCFA de dysfonctionnements financiers sont recensés : salaires indûment perçus, dépenses injustifiées, reliquats non reversés au Trésor. À cela s’ajoute un hallucinant florilège de pratiques irrégulières : comptes bancaires ouverts sans autorisation, frais médicaux couverts deux fois, encaissements de chancellerie non traçables, et une comptabilité-matières aussi opaque qu’inexistante.

Une crise de rigueur dans une tradition d’austérité

Mais l’élément le plus glaçant n’est pas tant la somme des anomalies que le sentiment d’impunité qui en ressort. À Accra, un diplomate démis de ses fonctions continue de percevoir son salaire. Des agents admis à la retraite sont maintenus dans les fichiers de paie. L’ambassadeur, quant à lui, agit comme s’il était maître et comptable à la fois — violant ainsi le principe fondamental de la séparation des fonctions.

Dans une région d’Afrique de l’Ouest où les ambassades ont souvent servi de relais actifs pour défendre la souveraineté politique et culturelle de leurs pays, le cas du Mali à Accra fait tache. Il contraste brutalement avec le souvenir de ces diplomates maliennes des années 1970, imprégnés de la rigueur modibiste, à la parole rare mais au sens de l’État aigu.

Aujourd’hui, c’est un autre visage que ce poste avancé donne à voir. Celui d’une bureaucratie relâchée, d’un État qui peine à se faire respecter même par ses représentants. Un comble pour un pays engagé dans un processus de refondation.

Le miroir de ce que nous sommes devenus

À la vérité, cette ambassade n’est pas une exception. Elle est un symptôme. Ce que le Mali exporte ici, ce n’est pas une diplomatie, mais une forme d’anomie administrative. Le fait que le Ministère des Affaires étrangères ait laissé perdurer de telles pratiques, sans audit préalable ni sanction claire, pose la question du contrôle institutionnel réel au sommet.

La réaction du Vérificateur Général est sans équivoque : transmission aux juridictions compétentes. Mais suffira-t-elle ? Car ce qui se joue à Accra dépasse les frontières du Ghana. C’est la crédibilité internationale du Mali qui est en jeu — dans une période où la diplomatie se doit d’être offensive, structurée, et au-dessus de tout soupçon.

Reste une question que François Soudan poserait sans détour : comment un État peut-il se projeter à l’extérieur s’il ne parvient même plus à se discipliner à l’intérieur ? À Accra, le Mali ne s’est pas seulement montré négligent. Il s’est trahi.

A.D


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