L’Afrique quitte la COP29 de Bakou avec une profonde déception. Le continent dénonce des promesses de financement climatique jugées insuffisantes face aux défis colossaux.
La conclusion de la COP29 à Bakou a laissé un goût amer aux négociateurs africains. Alors que l’urgence climatique pèse de plus en plus lourd sur un continent vulnérable, les promesses de financement émises par les pays industrialisés sont jugées dérisoires et inadéquates pour répondre aux défis colossaux que l’Afrique doit relever. Une situation qui illustre à nouveau le déséquilibre flagrant dans la gouvernance climatique mondiale.
Un financement insuffisant pour un continent en détresse
La promesse des 300 milliards de dollars par an d’ici 2035, bien qu’historiquement élevée dans les engagements climatiques, apparaît largement insuffisante face aux besoins estimés par l’Afrique. Le continent avait plaidé pour un financement annuel de 1 300 milliards de dollars, un chiffre justifié par la nécessité de financer simultanément la transition énergétique, l’adaptation aux effets du dérèglement climatique, et la prise en charge des pertes et dommages déjà subis.
Pour Ali Mohamed, porte-parole du groupe Afrique, ce compromis est « trop faible, trop tardif et trop ambigu ». Une analyse partagée par de nombreux délégués africains qui ont souligné que le financement promis, ajusté à l’inflation, est en réalité inférieur aux 100 milliards de dollars annuels décidés lors de la COP15 en 2009. Un paradoxe qui reflète une déconnexion entre les promesses et les réalités climatiques du Sud global.
Des attentes non satisfaites : entre déséquilibres et incertitudes
L’un des principaux griefs des délégations africaines concerne l’absence d’équilibre entre les financements dédiés à l’adaptation et ceux pour l’atténuation. Alors que l’Afrique subit déjà des impacts irréversibles du réchauffement climatique — des sécheresses persistantes aux inondations catastrophiques —, les financements sont majoritairement orientés vers des projets d’atténuation, souvent au bénéfice des économies émergentes à fort potentiel industriel.
Les demandes des pays africains d’un financement clair et prioritaire pour l’adaptation et la prise en charge des pertes et dommages n’ont pas été prises en compte. De plus, l’absence de garanties sur la nature des financements — dons plutôt que prêts — suscite des inquiétudes quant à l’aggravation de la dette publique dans un contexte déjà critique. Pour de nombreux États africains, ce déséquilibre financier perpétue un système où les pays les moins responsables des émissions de gaz à effet de serre paient le prix le plus fort.
Un système global qui peine à inclure les plus vulnérables
La frustration des négociateurs africains met en lumière un problème structurel dans les négociations climatiques internationales : le manque de prise en compte des priorités des pays en développement. À Bakou, les discussions ont une nouvelle fois été dominées par les grandes puissances économiques, qui dictent les termes des accords sans véritablement intégrer les voix des plus vulnérables.
Cette situation accentue la perception d’un système climatique mondial déséquilibré. Pour les délégués africains, l’échec de Bakou est une occasion manquée de démontrer une solidarité internationale concrète et ambitieuse. « Quand l’Afrique perd, le monde perd », a averti Ali Mohamed, rappelant que les crises climatiques, qu’elles soient vécues au Sahel ou dans les Caraïbes, ont des répercussions globales.
Des conséquences sur le terrain : le coût humain du réchauffement
En attendant une mise en œuvre hypothétique des financements promis, l’Afrique continue de payer un lourd tribut aux effets du dérèglement climatique. L’augmentation des températures exacerbe les conflits pour les ressources, la perte de biodiversité et les crises alimentaires. Ces impacts, bien que largement documentés, restent sous-estimés dans les politiques climatiques internationales.
L’échec de Bakou à répondre aux attentes africaines compromet également les objectifs de développement durable (ODD). Sans une mobilisation financière substantielle et équitable, les efforts pour réduire la pauvreté, améliorer la santé publique ou garantir l’accès à l’éducation risquent d’être ralentis, voire inversés.
Vers une redéfinition des priorités africaines ?
Le dénouement décevant de la COP29 pourrait inciter les États africains à réorienter leur stratégie sur la scène internationale. Certains experts plaident pour une union renforcée au sein du continent afin de négocier collectivement et de développer des solutions internes, telles que des mécanismes financiers régionaux ou des initiatives locales de transition énergétique.
Cette vision s’aligne avec l’idée d’un « panafricanisme climatique », où les ressources et les talents africains seraient mobilisés pour répondre aux défis sans attendre des promesses souvent non tenues des grandes puissances. Toutefois, ce modèle exige des engagements politiques clairs et un soutien accru aux institutions africaines.
La COP29 a été marquée par un décalage flagrant entre les ambitions affichées par les pays en développement et les engagements réels des nations industrialisées. Pour l’Afrique, ce sommet est un rappel brutal que la lutte contre le changement climatique est encore loin d’être une priorité partagée.
Mais l’échec de Bakou n’est pas une fatalité. Il peut devenir un catalyseur pour une mobilisation accrue, tant sur le continent qu’à l’échelle internationale. L’urgence climatique ne laisse aucune place à l’inaction.
Chiencoro Diarra
En savoir plus sur Sahel Tribune
Subscribe to get the latest posts sent to your email.