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Combien de tonnes d’émissions de CO₂ pouvons-nous encore nous permettre ?

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Une nouvelle étude, publiée ce jeudi 4 novembre 2021, montre que les émissions mondiales de dioxyde de carbone (CO2) ont rebondi après une baisse liée au Covid-19.

Elles devraient ainsi atteindre pour 2021 des niveaux proches de ceux d’avant la pandémie. Un constat inquiétant à l’heure où les dirigeants du monde entier sont réunis à Glasgow pour la COP26, dans une nouvelle tentative d’éviter un réchauffement délétère de la planète.

Ces résultats sont le fruit des travaux du Global Carbon Project, un consortium de scientifiques du monde entier qui produit, collecte et analyse des informations sur les gaz à effet de serre.

La reprise rapide des émissions de CO2, après la forte baisse de l’année dernière imputable au contexte pandémique, n’est pas une surprise. La relance économique mondiale très soutenue a entraîné une hausse massive de la demande d’énergie, sollicitant un système énergétique mondial toujours fortement dépendant des combustibles fossiles.

Le plus inquiétant concerne la tendance à la hausse des émissions de CO2 imputable au pétrole et du gaz sur le long terme ; la croissance des émissions liées au charbon en 2021 est également préoccupante. Tout cela ne nous rapproche pas de la neutralité carbone à l’horizon 2050.

39 milliards de tonnes de CO₂ attendues pour 2021

En 2020, les émissions mondiales de CO2 provenant des combustibles fossiles ont diminué de 5,4 % par rapport à 2019. Cette année, elles devraient augmenter d’environ 4,9 % par rapport aux niveaux de 2020 pour atteindre 36,4 milliards de tonnes. Ce qui nous ramène presque aux niveaux de 2019.

Pour 2021, il faudra ajouter 2,9 milliards de tonnes d’émissions de CO2, correspondant aux effets des activités humaines impactant les terres (déforestation, dégradation des sols, végétalisation…).

Nous atteignons ainsi un total prévisionnel de plus de 39 milliards de tonnes de CO2 pour 2021.

La croissance rapide des émissions s’explique par la demande accrue d’énergie, à mesure que l’économie mondiale repart après la pandémie – les différents plans de relance économique dans le monde atteignant les 17,2 billions de dollars.

Cette année, quel que soit le combustible fossile utilisé – charbon, pétrole ou gaz naturel –, toutes les émissions de CO2 sont à la hausse.

Notons que celles imputables au charbon et au gaz naturel auront davantage augmenté en 2021 qu’elles n’ont diminué en 2020. Si les émissions liées au charbon étaient en baisse avant que le Covid frappe début 2020, elles sont reparties à la hausse ces derniers mois. Quant aux émissions liées à l’utilisation mondiale du gaz, elles ont retrouvé la tendance haussière observée avant la pandémie.

Les émissions de CO2 provenant de l’utilisation mondiale du pétrole restent bien inférieures aux niveaux d’avant la pandémie, mais elles risquent d’augmenter dans les années à venir, le transport routier et l’aviation se relançant après les restrictions liées au Covid.

Émissions mondiales de CO₂ pour la période 1960-2020. Global Carbon Project

La Chine et l’Inde tirent les émissions vers le haut

Les émissions de la Chine se sont redressées très rapidement avec une augmentation de 0,4 milliard de tonnes en 2021. Ce pays fait partie des rares où les émissions ont augmenté en 2020 (de 1,4 %) ; la croissance prévue cette année devrait être de 4 %.

En 2021, les émissions de CO2 de la Chine devraient ainsi être supérieures de 5,5 % à celles de 2019, pour atteindre 11,1 milliards de tonnes. En 2020, la Chine détenait 31 % des émissions mondiales.

Les émissions de charbon dans ce pays devraient augmenter de 2,4 % cette année. Si cette hausse se réalise, elle correspondrait alors à ce qui a été décrit en 2013 comme « le pic des émissions de charbon » pour le géant asiatique.

Émissions régionales pour la période 2019-2021. Global Carbon Project

Les émissions de CO2 de l’Inde devraient également augmenter avec une hausse relative de 12,6 % in 2021 après une baisse de 7,3 % en 2020. Les émissions de cette année devraient être supérieures de 4,4 % au niveau de 2019, atteignant 2,7 milliards de tonnes. L’Inde a représenté 7 % des émissions mondiales en 2020.

Les émissions des États-Unis et de l’Union européenne devraient augmenter de 7,6 % cette année. Cela conduirait respectivement à des émissions de 3,7 % et 4,2 %, inférieures aux niveaux de 2019.

Les États-Unis et l’Union européenne représentent 14 % et 7 % des émissions mondiales en 2020.

Les différents types d’émissions de CO₂ pour la France pour la période 1960-2020. Global Carbon Project, CC BY-NC-ND

Les émissions en France sont en baisse depuis le milieu des années 2000, celles de 2020 ayant chuté dramatiquement suite à la pandémie. Pour 2021, les données ne sont pas encore disponibles ; si on s’attend à un rebond, les émissions françaises devraient toutefois rester à un niveau inférieur aux conditions pré-pandémie.

Les émissions du reste du monde (en prenant en compte la part des transports internationaux, et tout particulièrement le transport aérien) devraient augmenter de 2,9 % cette année, mais resteraient inférieures de 4,2 % au niveau de 2019. Ensemble, ces pays représentent 59 % des émissions mondiales.

La boussole des budgets carbone

Notre constat est clair : les variations relativement importantes des émissions au cours des deux dernières années n’ont eu aucun effet perceptible sur la vitesse à laquelle le CO2 s’accumule dans l’atmosphère.

Les concentrations de CO2, et le réchauffement climatique associé, sont déterminés par l’accumulation de gaz à effet de serre – en particulier le CO2 – depuis le début de l’ère industrielle. Cette accumulation s’est accélérée au cours des dernières décennies.

Pour empêcher la poursuite du réchauffement climatique, les émissions mondiales de CO2 doivent cesser ou atteindre le niveau « net zéro » – signifiant que toute émission restante de CO2 devrait être compensée par l’élimination d’une quantité équivalente dans l’atmosphère.

Dans la lutte contre le dérèglement climatique, les « budgets carbone » représentent un moyen utile pour mesurer la quantité de CO2 pouvant encore être émise, relativement à un niveau donné de réchauffement climatique.

Dans notre nouvelle étude, nous avons ainsi mis à jour le budget carbone en nous appuyant sur le dernier rapport du GIEC paru en août 2021.

À partir de janvier 2022, si nous voulons atteindre l’objectif d’une limitation à 1,5 ℃ de réchauffement global pour le XXIe siècle, nous pourrons encore émettre 420 milliards de tonnes de CO2 supplémentaires au niveau mondial ; ce qui correspond à 11 ans d’émissions en prenant 2021 comme année de référence.

Pour limiter ce réchauffement à 2 ℃, le budget carbone mondial s’élèvera à 1 270 milliards de tonnes de CO2 supplémentaires, soit 32 ans d’émissions au rythme actuel.

Les budgets carbone restants pour limiter le réchauffement à 1,5 C et 2 , à partir des données du GIEC d’août 2021. Global Carbon Project

Ces budgets sont notre boussole vers des émissions nettes nulles. Conformément à l’engagement pris par de nombreux pays d’atteindre des émissions nettes nulles d’ici 2050, les émissions de CO2 doivent en conséquence diminuer de 1,4 milliard de tonnes en moyenne chaque année.

Il s’agit d’une quantité comparable à la baisse enregistrée en 2020, soit 1,9 milliard de tonnes. Ce fait souligne l’extraordinaire défi à relever et la nécessité d’accroître les engagements à court et à long terme pour faire baisser les émissions mondiales.

Pep Canadell, Chief research scientist, Climate Science Centre, CSIRO Oceans and Atmosphere; and Executive Director, Global Carbon Project, CSIRO; Corinne Le Quéré, Royal Society Research Professor of Climate Change Science, University of East Anglia; Glen Peters, Research Director, Center for International Climate and Environment Research – Oslo; Pierre Friedlingstein, Chair, Mathematical Modelling of Climate, University of Exeter; Robbie Andrew, Senior Researcher, Center for International Climate and Environment Research – Oslo et Rob Jackson, Professor, Department of Earth System Science, and Chair of the Global Carbon Project, Stanford University

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

The Conversation

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