Derrière les chants d’éveil et les jeux pédagogiques de la Cité des Enfants, une autre musique s’est fait entendre : celle d’une comptabilité floue, de recettes mal tracées et de procédures sabordées. Le Bureau du Vérificateur général n’a pas eu besoin d’enlever ses lunettes pour y voir clair.
Il y a dans cette affaire un goût amer, celui de l’idéal piétiné par l’improvisation administrative. La Cité des Enfants – institution emblématique dédiée à la promotion des droits de l’enfant, vitrine nationale du « mieux-être » juvénile – n’échappe pas à la règle qui, au Mali, veut que sous les oripeaux de la vertu se cache parfois la paresse gestionnaire.
Mandaté en début d’année 2025, le Bureau du Vérificateur général a mené son inspection sans tambour ni trompette, mais avec une rigueur toute technocratique. Ce qu’il découvre ? Une comptabilité plus souple qu’un ballon d’enfant. Sur les exercices 2022 à 2025, 1,18 milliard de francs CFA de recettes ont circulé, tout comme 1,17 milliard de dépenses. Jusque-là, tout irait bien, si ce n’est que le détail laisse perplexe.
La comptabilité-matières ? Absente. Les fonctions d’ordonnateur et de comptable ? Confondues. Les comptes bancaires ? Multiples, dont certains ouverts en dehors des clous légaux. Les marchés publics ? Signés, mais sans enregistrement fiscal pour plusieurs prestataires. Plus grave encore, certaines recettes n’ont jamais vu la couleur du Trésor. Le régisseur les a retenues, comme s’il s’agissait d’un dû personnel. Le tout, sans que personne ne s’en émeuve.
Une gouvernance boiteuse
On aurait aimé que l’histoire s’arrête là, mais le vérificateur est allé plus loin. Il a levé le voile sur une gouvernance boiteuse : conseil d’administration absent, organes délibérants expirés, et aucune politique tarifaire claire. En clair, une gestion à vue, dans un brouillard administratif entretenu par l’indifférence.
Et pourtant, l’ambition était belle. Faire de la Cité des Enfants un sanctuaire éducatif, une bulle de créativité pour l’enfance malienne, à mille lieues des tumultes du quotidien. Mais que vaut la pédagogie quand les tiroirs-caisse grincent sous l’opacité ? Que vaut l’engagement quand les fonds publics – ceux de tous les Maliens – s’évaporent dans des procédures aussi négligées qu’illisibles ?
Le dossier a été transmis à la Cour suprême et au Pôle économique et financier. Il n’est pas certain qu’il en sorte des sanctions exemplaires. Mais ce que cette vérification rappelle, avec la cruauté de la vérité froide, c’est qu’on ne construit pas un avenir meilleur pour les enfants en leur léguant le chaos comptable en héritage.
A.D
En savoir plus sur Sahel Tribune
Subscribe to get the latest posts sent to your email.