Le Burkina Faso est une fois de plus rattrapé par ses démons militaires. Alors que circulaient avec insistance des rumeurs de déstabilisation, la présidence de la transition confirme ce 21 avril l’arrestation d’un commandant accusé de tentative de déstabilisation. Une nouvelle alerte pour le capitaine Ibrahim Traoré, plus que jamais en quête de loyauté dans un contexte sahélien instable.
En Afrique, et particulièrement au Sahel, les rumeurs ont la peau dure. Mais parfois, elles disent vrai. Depuis quelques jours, dans les rues poussiéreuses de Ouagadougou et les mess militaires du nord du pays ainsi que sur les réseaux sociaux, un mot revenait en boucle, chuchoté entre deux salutations : putsch. Le genre de mot qui claque comme un tambour de guerre, ravivant les vieux démons d’un pays coutumier des transitions par les armes. Et ce lundi 21 avril, à travers un communiqué aussi sobre que martial, la Présidence du Faso a mis fin au suspense : oui, une tentative de coup d’État a bien été éventée. Et non, le régime d’Ibrahim Traoré ne vacille pas.
Des mouvements d’humeur dans des casernes
Le ton est grave, la rhétorique sans détour. Dans son message à la Nation, le jeune capitaine devenu président par les armes, parle en chef des armées plus qu’en chef d’État. Il annonce l’arrestation du Commandant Elysé Tassembedo du 12e Régiment d’Infanterie Commando, ainsi que plusieurs de ses complices. Des accusations de “faits d’une extrême gravité portant atteinte à la sécurité de l’État et à la cohésion des Forces Armées Nationales”. Les mots sont choisis, mais lourds de sens. L’heure est à la traque des taupes et à la consolidation de l’appareil sécuritaire.
Car le malaise va au-delà de ces arrestations. La présidence reconnaît que des “mouvements d’humeur” ont agité plusieurs casernes du pays, preuve s’il en fallait que le feu couvait sous la cendre. Des soldats inquiets ? Manipulés ? Ou en désaccord avec la conduite de la transition ? Quoi qu’il en soit, le chef de l’État prévient : toute tentative de saper la stabilité sera considérée comme une trahison. “Tout militaire qui se rendra complice de tels agissements sera considéré comme ennemi de la Nation et traité comme tel”, martèle Ibrahim Traoré. Sans faiblesse. Ni complaisance.
Des radiations ?
Le message s’adresse d’abord aux siens. À cette armée bigarrée, fragmentée, encore marquée par les soubresauts de l’histoire récente – du renversement de Blaise Compaoré en 2014 à la prise de pouvoir par Damiba, puis par Traoré lui-même en 2022. Une armée tiraillée entre fidélités régionales, frustrations sociales et ambitions personnelles.
Mais ce message dépasse aussi les frontières du Faso. Dans un Sahel où le vacillement d’un régime peut entraîner des répercussions en cascade, où les groupes terroristes guettent la moindre faille, Ibrahim Traoré joue gros. Il envoie un signal de fermeté à ses alliés, mais aussi à ses détracteurs, de Bamako à Paris, en passant par Accra ou Niamey.
En convoquant en urgence tous les chefs de corps des unités autour de Ouagadougou, le capitaine-président resserre les rangs. Le mot d’ordre est loyauté, discipline, vigilance. L’heure n’est pas aux tergiversations. Et celui qui manquera à l’appel sera “purement et simplement radié”. La transition burkinabè se fait désormais sous haute tension.
En attendant les conclusions des enquêtes et les éventuelles révélations à venir, une chose est sûre : à Ouagadougou, le pouvoir tient bon.
A.D
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