Le Conseil des ministres a entériné ce mercredi 16 avril 2025 un décret aux allures de bascule stratégique. Le transfert officiel du permis d’exploitation du gisement de lithium de Foulaboula à une société d’exploitation malienne dédiée. Cette décision marque un tournant dans la gestion de l’un des minerais les plus convoités du XXIe siècle.
Mercredi 16 avril 2025, dans l’austère solennité du Conseil des ministres, une décision au potentiel tectonique est passée presque inaperçue. Et pourtant, elle engage rien de moins que l’avenir énergétique, industriel — et peut-être diplomatique — du Mali. L’État a autorisé le transfert du permis d’exploitation de la grande mine de lithium de Foulaboula, initialement attribué à Future Minerals-SARL, à une nouvelle entité malienne : Les Mines de Lithium de Bougouni-S.A.
Ce transfert, prévu par les dispositions du Code minier, vient formaliser un processus engagé dès 2021, année où les premières données géologiques avaient mis au jour un gisement de 21,31 millions de tonnes de spodumène à 1,11 % d’oxyde de lithium — un taux commercialement attractif, pour un gisement exploitable à ciel ouvert sur une décennie.
Le lithium malien entre mutation minière et souveraineté
Si cette annonce n’a rien de spectaculaire à première vue, elle révèle un changement de paradigme. À travers la création d’une société anonyme de droit malien pour porter le projet, le Mali s’inscrit dans une logique de contrôle accru de ses ressources stratégiques, à l’instar de sa récente montée au capital dans les projets aurifères.
En clair, il ne s’agit plus seulement d’octroyer des permis à des opérateurs étrangers, mais de structurer une filière nationale capable, demain, de peser dans les chaînes d’approvisionnement mondiales des technologies vertes. Car le lithium n’est pas un minerai comme les autres, il est devenu la clé de voûte des batteries, des voitures électriques, des énergies renouvelables — bref, du monde post-pétrole.
Bougouni, prochain épicentre stratégique du Sahel ?
Le site de Foulaboula, situé dans la région de Bougouni, pourrait bien devenir le catalyseur d’une nouvelle donne économique au sud du Mali. D’autant que le pays, en plus de ses réserves d’or, de bauxite et de phosphate, commence à faire parler de lui sur les marchés du lithium, encore largement dominés par l’Australie, le Chili et la Chine.
Cette décision intervient à un moment où les puissances étrangères — des États-Unis à l’Europe — rivalisent d’initiatives pour sécuriser leur accès à ce métal critique. D’où l’importance, pour le Mali, de poser les jalons d’une souveraineté minière durable, à travers des sociétés locales, une régulation renforcée, et une valorisation nationale des retombées économiques.
Une politique minière en cours de refondation
Ce transfert de permis s’inscrit dans un cadre plus large. Celui de l’application progressive du nouveau code minier malien adopté en 2023, qui permet à l’État de porter sa participation jusqu’à 35 % dans les projets extractifs. En matière d’industries stratégiques, le pragmatisme rencontre désormais la volonté politique.
Au-delà de la simple transition de titres, la création des Mines de Lithium de Bougouni-S.A. augure peut-être d’une nouvelle ère : celle où l’Afrique, et le Mali en particulier, n’exporteront plus seulement des matières premières, mais aussi des leviers de puissance.
Chiencoro Diarra
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