Ils ont dansé, chanté, et crié victoire avant même que le soleil ne se lève sur un décompte officiel. Les législatives sénégalaises de 2024 marquent un tournant, une claque retentissante qui bouscule l’équilibre politique d’un pays habitué à l’hégémonie de figures bien ancrées. La victoire de Pastef résonne comme une gifle à la classe politique traditionnelle, mais aussi comme une promesse — ou une menace, selon où l’on se situe — d’un changement profond dans la gouvernance sénégalaise.
Il faut bien l’avouer, cette dynamique était prévisible. Pastef avait déjà marqué les esprits lors de la présidentielle, et son chef de file, Ousmane Sonko, s’est imposé comme une figure incontournable du paysage politique. Mais qui aurait parié sur une victoire aussi écrasante lors de ces législatives anticipées ? Même les opposants les plus féroces, Macky Sall en tête, ont plié l’échine, reconnaissant une défaite humiliante dans leur propre fief. Une ironie, n’est-ce pas, pour ceux qui prétendaient incarner la modernité démocratique face à ce qu’ils jugeaient comme un « populisme enflammé ».
Mais là où la victoire de Pastef suscite autant d’espoir que d’appréhension, c’est dans la gestion du « projet » qu’il souhaite désormais dérouler. Avoir la majorité parlementaire, c’est un privilège. Mais c’est surtout une responsabilité. Et une majorité qualifiée ouvre la voie à des réformes constitutionnelles qui, mal maîtrisées, peuvent virer au cauchemar. L’histoire regorge de mouvements populaires devenus élitistes à force de gouverner. Pastef saura-t-il rester fidèle à ses idéaux ?
Dans un pays où près de la moitié des électeurs ne s’est même pas donné la peine de voter, l’abstention est un signal inquiétant. Une démocratie robuste doit s’appuyer sur une participation massive, et non sur un raz-de-marée d’un seul camp. Pastef doit se rappeler que les mêmes applaudissements frénétiques peuvent se transformer en huées assourdissantes si les attentes populaires sont trahies.
Ce billet n’est pas une célébration ni une condamnation, mais une réflexion. Pastef a gagné, le Sénégal a voté. Maintenant, les promesses doivent rencontrer la réalité. Nous, spectateurs et acteurs de ce théâtre politique, resterons aux aguets, non pour juger mais pour espérer. Que ce soit une vraie victoire pour le peuple sénégalais — et pas seulement pour ceux qui dansent ce soir.
Oumarou Fomba
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