À Bamako, la route est devenue un champ de bataille où l’égoïsme et l’anarchie dictent leur loi. Entre automobilistes obstinés, moto-taxis kamikazes et absence totale de courtoisie, chaque trajet vire à la lutte pour la survie.
Je me souviens encore de cette matinée de 2018, à Kabala, lors du lancement de la 7ème édition de la Journée nationale de la courtoisie sur la route. Journée mondiale de l’utopie, aurais-je dû dire. À l’époque, naïf, je me disais que ce genre d’initiative pouvait peut-être, avec un peu de bonne volonté, améliorer les choses. Sept ans plus tard, je ris jaune.
Chaque jour, coincé dans un embouteillage interminable, un œil sur mon rétroviseur, l’autre sur un motocycliste suicidaire qui surgit de nulle part, je me demande comment nous avons pu en arriver là. À quel moment la route est-elle devenue un combat de rue ?
Le règne de l’égoïsme et du chaos
Bamako n’a plus de circulation, elle a une foire d’empoigne. Plus personne ne s’arrête, plus personne ne cède le passage, et gare à celui qui essaie de le faire. Il se fera klaxonner, insulter, ou pire, percuter. Pourtant, ceux qui se battent pour avancer sont des adultes en costume, des cadres en cravate, des sages en boubou, des visages respectables qui deviennent, dès qu’ils s’installent derrière un volant, des apprentis chauffards.
Et alors que je tente de négocier ma place dans cette cacophonie de moteurs et de klaxons, j’observe une scène presque comique, si elle n’était pas dramatique. Deux automobilistes en pleine dispute, bloquant tout un carrefour parce que ni l’un ni l’autre ne veut reculer de quelques centimètres. Le Malien ne respecte pas la loi. Il craint uniquement la force. Un policier aurait suffi pour les calmer, mais en son absence, c’est la loi du plus têtu qui l’emporte.
Bienvenue dans l’ère des moto-taxis
Comme si la situation n’était pas déjà assez catastrophique, voici les nouveaux seigneurs du bitume : les conducteurs de moto-taxis. Ils n’ont ni permis, ni formation, ni peur de la mort. Ils roulent à toute vitesse, zigzaguent entre les voitures, grillent les feux rouges comme s’ils n’existaient pas et s’arrêtent en pleine route pour négocier un client.
Et puis, il y a les chiffres. Ceux qui ne mentent jamais. 176 morts en 2019. 689 en 2023. Les routes de Bamako ne sont plus seulement impraticables, elles sont meurtrières.
Alors, on attend quoi ?
On pourrait regarder du côté de la Chine, où chaque route est surveillée par des caméras intelligentes, où chaque infraction est captée, analysée et immédiatement sanctionnée. On pourrait construire des échangeurs, fluidifier le trafic, organiser la circulation au lieu de la subir.
Mais pour cela, il faudrait une volonté politique, une prise de conscience collective. Parce que le problème n’est pas la route, ni même la moto ou la voiture. Le problème, c’est nous.
En 2018, on parlait de courtoisie sur la route. En 2025, il serait temps de parler de survie.
A.D
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