Dans cette troisième partie de la série de billets fictifs intitulée « Au monde des eaux », il est question de la problématique de la mort. Nous évoquons à ce sujet, certaines conceptions africaines du phénomène.
J’avais dix-huit ans quand l’incident se produisait. Ce qui me donne la possibilité de me poser une certaine question. En effet, ayant vu tout ce qui venait de se produire et ayant assisté à mes propres obsèques, je me demandais ce qu’est réellement la mort pour les humains. Ne serait-elle pas un phénomène mystérieux qui dépasse l’entendement des hommes ? Et si tous ceux qui sont appelés morts avaient subi le même sort que moi ? Plein de questions agaçaient mon esprit.
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Du visible à l’invisible
Suite à ces questions qui devenaient un casse-tête pour moi, j’arrivais à la conclusion que la mort est juste un phénomène inexplicable par les hommes en raison de la limitation du pouvoir de leur entendement.
Néanmoins, je me résous que la mort ne serait que le passage de la visibilité à l’invisibilité. Elle ne signifie pas une disparition totale, mais plutôt le passage dans un autre monde où nous sommes censés mener une nouvelle vie.
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En ce qui concerne l’enfer et le paradis, on m’avait enseigné dans le monde des humains que l’enfer est le sort des mauvaises âmes et le paradis celui des bonnes âmes. Réfléchissant à cela, je me suis vite résolu à dire qu’on avait raison. Car je ramenais le paradis à ce que je vis dans ce nouveau monde. Un monde se trouvant au-delà de la réalité humaine.
Crainte inutile
J’ai été ainsi amené à donner raison aux philosophes qui ont soutenu l’inutilité de la peur de la mort pour les hommes. Nous ne devons pas avoir peur de la mort puisque la vie et la mort ne se rencontre jamais ou sont interconnectées : « Quand la mort est, nous ne sommes pas, et quand nous sommes la mort n’est pas », disait Épicure. C’est d’ailleurs cette image qu’on donne à la mort chez moi. C’est la raison pour laquelle les morts sont vénérés. Nous leur fournissons des sacrifices, car nous pensons qu’ils sont les protecteurs de leur tribu et de leur famille qu’ils n’abandonnent jamais. Ils portent secours à leur famille, deviennent leur gardien.
Ils sont en contact permanent avec nous. C’est comme disait Birago Diop,
« Ceux qui sont morts ne sont jamais partis
Ils sont dans l’ombre qui s’éclaire
Et dans l’ombre qui s’épaissit,
Les morts ne sont pas sous la terre
Ils sont dans l’arbre qui frémit,
Ils sont dans le bois qui gémit,
Ils sont dans l’eau qui coule,
Ils sont dans la case, ils sont dans la foule
Les morts ne sont pas morts. »
Une conception au cœur du vivre ensemble chez moi
Cette conception explique pourquoi, toutes les ethnies dans mon monde ont leurs interdits sociaux, des aliments dont on interdit la consommation ou des animaux dont on défend de tuer. Nous pensons que ces nourritures ou ces animaux recouvrent l’âme de nos ancêtres.
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Dans mon nouveau monde, je ne cessais plus de méditer sur le sens de la mort. Car bien que vivant, mes parents, mes amis, sont convaincus de ma mort et m’ont sûrement déjà oublié. Pourtant, je vis. Mais dans un autre monde impossible d’accès pour eux, même si moi j’ai accès à leur monde. Cette situation ne manquait point de m’attrister le plus souvent. Néanmoins, je me convaincs que tôt ou tard je quitterai ce monde pour mon monde où je serai vu comme un zombie ou un ressuscité. Dans tout ça, ce qui soulevait mon étonnement, c’est surtout l’origine de ces êtres aquatique qui m’a accueilli dans leur monde.
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