Dans la situation actuelle du Mali, le départ des forces étrangères notamment de la France ne doit pas être une priorité. Sa présence étant la conséquence d’une certaine faillite, il convient de s’attaquer en amont à ce phénomène : la mauvaise gouvernance.
« Dans un palais, on pense autrement que dans une chaumière », déclarait un intellectuel allemand pour expliquer comment les conditions de vie matérielle déterminent la production intellectuelle des hommes. Les événements actuels au Mali démontrent toute la pertinence de ce passage.
142 000 Maliens réfugiés dans les pays voisins
Depuis quelques années, des voix s’élèvent pour demander le départ de la France du Mali. Leurs arguments : la France pillerait les ressources naturelles du Mali, elle serait à l’origine de la crise sécuritaire qui affecte une bonne partie du territoire malien et menace même l’existence du pays en tant qu’État-nation. Seulement, ces arguments viennent généralement de citoyens ne vivant pas les réalités de ces crises.
Du nord au sud en passant par le centre, cette crise sécuritaire a entraîné un déplacement massif des populations vers d’autres zones plus paisibles du pays ou vers des pays voisins. Dans son Plan de réponse humanitaire 2021, Ocha Mali indique qu’au total 142 000 Maliens se sont réfugiés dans les pays voisins et 333 000 autres se sont déplacés dans d’autres zones plus calmes du pays.
La pauvreté, la famine, la crise sanitaire et éducative, etc., sont le quotidien de ces populations confrontées à une véritable crise humanitaire. Afin de soulager ces « populations vulnérables » du Mali (du centre et du nord), la France a apporté « un nouveau soutien de 1 801 milliards de FCFA » alloué à deux projets. La signature des deux conventions de subvention a eu lieu le mercredi dernier à l’Ambassade de France au Mali. Peut-on faire comprendre à ces populations la nécessité de faire partir la France ?
Faut-il jeter le bébé avec l’eau du bain ?
L’agriculture, l’élevage, la pêche ou encore le commerce, qui constituent les activités génératrices de revenus pour les habitants dans de nombreuses zones de conflits connaissent un arrêt en raison de la crise sécuritaire. La pauvreté et par ricochet l’insécurité alimentaire et nutritionnelles sont devenues du coup le sort de ces habitants. Sans assistance, que deviendront ces populations ? Faut-il les laisser rejoindre les groupes armés terroristes ? Ou encore, les laisser périr ?
Nul n’ignore pourtant que ces hommes et femmes ainsi qu’enfants ont plus que jamais besoin d’assistance humanitaire. Mais l’État central peut-il seul faire face à toutes ces dépenses sans l’appui de ses partenaires ? Même s’il le pouvait, avec la mauvaise gestion qui s’est emparée de l’appareil d’État depuis des années, il lui sera difficile d’avoir des ressources pour cette assistance. Pour se rendre compte du degré de la corruption dans ce pays, les rapports du Vérificateur général peuvent être d’un grand apport.
Certes, la France pourrait bien être à l’origine de toutes ces situations qui ne sont que des conséquences de la crise sécuritaire. Mais quelle est la responsabilité des citoyens ainsi que des pouvoirs publics du Mali ? Quelle alternative proposer pour ces populations, dont la plupart estiment avoir été abandonnées par les responsables de l’État ? Faut-il jeter le bébé avec l’eau du bain ?
Mettre fin à la mauvaise gouvernance
Depuis des années, c’est quand même la France, ce pays tant décrié, qui porte assistance à ces « populations vulnérables » du Mali, qui investit dans les projets de développement. Pour la seule année 2020, l’aide publique française au développement se chiffrait à 5,5 millions d’euros d’aide humanitaire et 4 millions d’euros dans des projets de stabilisation au Nord et au Centre à travers le Centre de crise du Quai d’Orsay ; 532 millions d’euros d’engagements cette année pour des projets de développement à travers l’Agence française pour le développement (AFD).
Le bilan de cette crise malienne est assez lourd malgré la présence de plusieurs partenaires militaires. Depuis des années, on a l’impression que la situation se détériore davantage. Mais faut-il pour autant s’attaquer à ces étrangers à qui notre « État failli » a fait appel ? Non, il importe de chercher à savoir comment nous sommes arrivés à ce niveau. La mauvaise gouvernance, la corruption, le favoritisme, l’hypocrisie, l’individualisme sont les maux qu’il faut nommer dans cette situation. Ces maux ne favorisent nullement l’existence d’une paix durable.
S’il existe un combat à mener, c’est d’abord contre ces fléaux qui gangrènent la société malienne. Tant que ce combat n’est pas gagné, inutile de penser que l’idéal sera le départ de la France ou d’une quelconque autre partenaire du Mali. En attendant qu’on médite ce passage : « Si la faim, la misère font que tu n’as rien de substantiel dans le corps, tu n’as pas non plus dans la tête, dans l’esprit et dans le cœur de substance pour la morale ».
Fousseni Togola
Source : maliweb.net
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