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Arrestation de journalistes : un symptôme du basculement tchadien vers l’AES ? 

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L’arrestation de deux journalistes tchadiens pour des publications liées à la Russie et à l’AES révèle un basculement silencieux. Le Tchad navigue entre la CEDEAO et le bloc sahélien, cherchant sa place dans un nouvel ordre géopolitique en mutation.

Dans les couloirs feutrés du pouvoir à N’Djamena, un frisson parcourt les élites. Deux journalistes tchadiens arrêtés, une Russie omniprésente en filigrane, et une ligne de fracture qui se dessine entre le Tchad et les poids lourds de la CEDEAO. Loin d’être un simple fait divers, l’interpellation de Mahamat Saleh Alhissein, journaliste de Télé Tchad, et d’Olivier Monodji Mbaindiguim, directeur de l’hebdomadaire Le Pays, sonne comme le révélateur d’une recomposition diplomatique en cours.

Derrière cette affaire aux allures d’imbroglio politico-médiatique, un enjeu de fond se dessine. Le Tchad est-il en train de se rapprocher de la Confédération des États du Sahel (AES), créée en juillet 2024, au risque de s’éloigner des dogmes occidentaux et de la CEDEAO ?

Un séisme médiatique aux accents géopolitiques

Tout commence par l’arrestation d’Olivier Monodji Mbaindiguim, correspondant de Radio France Internationale (RFI) et directeur du journal Le Pays. Le motif ? La publication d’informations liées à la présence russe au Sahel. Puis vient l’interpellation de Mahamat Saleh Alhissein, journaliste de Télé Tchad, accusé d’avoir traduit des documents relatifs aux opérations des forces russes au Mali et à l’économie sahélienne.

Derrière l’affaire, un malaise s’installe. Que reproche-t-on exactement aux deux journalistes ? D’avoir relayé une réalité géopolitique que plus personne ne peut ignorer. L’influence croissante de Moscou dans l’arc sahélien ? Ou bien faut-il voir dans cette affaire une lutte d’influence où les camps se redéfinissent, où chacun doit désormais choisir son bord ?

Le Tchad en équilibre instable entre la CEDEAO et l’AES

Le président Mahamat Idriss Déby Itno n’ignore rien de ce jeu d’échecs. Depuis le renversement des alliances opéré par le Mali, le Burkina Faso et le Niger, N’Djamena se retrouve à la croisée des chemins. Rester fidèle à la CEDEAO et aux partenaires occidentaux ou épouser la dynamique de l’AES et de ses soutiens russes ?

Jusqu’ici, le Tchad a tenté une posture d’équilibriste. D’un côté, il reste un allié clé de Paris et Washington dans la lutte antiterroriste. De l’autre, il ne peut ignorer la dynamique de ses voisins sahéliens, qui s’émancipent de l’ordre établi et cherchent à imposer une nouvelle architecture régionale.

L’arrestation de ces journalistes, si elle ne s’explique pas officiellement par des considérations diplomatiques, n’en est pas moins un signal fort. Pourquoi une telle nervosité autour des informations liées à la Russie et à l’AES ? Pourquoi frapper là où le discours officiel ne s’est pas encore clarifié ?

Une Afrique sahélienne en mutation

Loin d’être un épiphénomène, l’affaire Alhissein-Monodji témoigne d’une Afrique sahélienne en pleine mutation. L’influence occidentale vacille, l’ordre sécuritaire et politique hérité des indépendances est en train d’être redéfini par des alliances alternatives. Le Mali, le Burkina Faso et le Niger l’ont compris et acté en créant l’AES. Le Tchad, lui, hésite encore, mais pour combien de temps ?

Ce qui se joue à N’Djamena dépasse de loin le sort de deux journalistes. Il s’agit d’un test grandeur nature. Jusqu’où le Tchad est-il prêt à aller dans son rapprochement avec l’AES, et à quel prix ?

Dans cette recomposition, un basculement n’est jamais une rupture soudaine, mais une succession de signaux faibles. Et ce que le pouvoir tchadien vient d’envoyer au monde en arrêtant ces deux journalistes n’a rien d’anodin.

A.D


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