Amadou Bagayoko, moitié lumineuse du duo mythique Amadou & Mariam, s’est éteint ce vendredi 4 avril à Bamako, des suites d’une longue maladie. Musicien aveugle à la voix chaude et à la guitare habité, il laisse derrière lui une œuvre majeure, symbole d’un Mali rayonnant, d’un amour éternel, et d’une Afrique qui chante même dans l’obscurité.
C’était une voix. C’était un riff de guitare, entêtant, solaire, comme une promesse. C’était aussi une silhouette, humble, courbée, marchant au rythme d’un autre regard. Ce vendredi 4 avril 2025, le Mali, l’Afrique, et le monde de la musique pleurent Amadou Bagayoko, moitié d’un duo devenu légende, et miroir d’une histoire d’amour aussi indéfectible que le fil mélodique qu’il tissait depuis un demi-siècle avec Mariam Doumbia.
On connaissait son visage. On fredonnait ses refrains. Mais derrière la figure publique du tandem « Amadou & Mariam », il y avait cet homme, né le 24 octobre 1954 à Bamako, aveugle à 16 ans, et incandescent d’un feu intérieur que même la nuit n’a jamais pu éteindre. Il avait rencontré Mariam, elle aussi privée de la vue dès l’âge de 5 ans, à l’Institut des jeunes aveugles de Bamako. Ensemble, ils ne voyaient pas le monde, mais ils allaient l’éclairer.
La cécité, une clarté musicale
Leur destin bascule en 1980, l’année de leur mariage, celle où leur fusion humaine devient fusion artistique. Dans la brume des années 1980, leur musique était déjà là : hybride, sincère, mêlant blues malien, rythmes mandingues, électricité rock et tendresse acoustique. Abidjan les accueillera dans leur exil créatif. Paris les propulsera. Le monde, bientôt, les acclamera.
Leur album Sou ni tilé, en 1998, pose les jalons d’une trajectoire qui ne cessera plus de s’élever. Dimanche à Bamako, en 2005, réalisé avec Manu Chao, les propulse au rang de stars planétaires. Victoire de la musique. Scènes européennes. Une prestation historique à Oslo en 2009, lors de la remise du prix Nobel de la paix à Barack Obama. Deux artistes aveugles venus de Bamako, chantant pour l’homme le plus puissant du monde.
La douceur d’un combat
Amadou n’était pas une icône fabriquée. Il était un musicien viscéral, enraciné. Son art était politique, sans slogan. Il chantait l’amour, les départs, la poussière, la lumière, la beauté du vivre-ensemble. Il avait cette élégance des grands silencieux, et cette modernité de ceux qui savent s’ouvrir à l’universel : collaborations avec Damon Albarn, Santigold, Coldplay, ou U2. Et pourtant, toujours fidèle à sa guitare peule, à ses riffs bambara, à Bamako, toujours.
En 2024, le duo avait encore publié un Best-of, La vie est belle. Un titre testamentaire ? Peut-être. Car si la vie a parfois été rude pour Amadou, il l’a toujours chantée comme une fête.
Il y a désormais ce vide. Ce trou dans la mémoire mélodique de l’Afrique. Mais Amadou, comme toutes les grandes voix, ne meurt pas tout à fait. Il s’éteint sur terre pour mieux résonner ailleurs. Il laisse derrière lui une œuvre, une femme, une légende. Tant qu’un griot n’a pas chanté ton nom, tu n’es pas vraiment mort. Amadou a chanté. Amadou a été chanté. Alors, il vivra.
Chiencoro Diarra
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