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AES, an I : le réel contre les faux-semblants ouest-africains

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Un an après sa création, la Confédération des États du Sahel (AES) célèbre son premier anniversaire. Née dans le tumulte sécuritaire et politique, l’union entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger s’est imposée comme une réponse salvatrice aux défis régionaux. Entre intégration militaire, souveraineté économique et rupture diplomatique assumée, l’AES trace une voie nouvelle pour l’Afrique de l’Ouest. Retour sur douze mois d’une expérience politique inédite, portée par des chefs d’État déterminés à reprendre leur destin en main.

Qui aurait parié, il y a un an, qu’un triumvirat sahélien, né dans le tumulte, tiendrait bon face à la tempête ? Qui aurait cru que Bamako, Ouagadougou et Niamey, unis plus par la menace terroriste que par les manuels d’intégration régionale, réussiraient là où la CEDEAO peine, l’UEMOA tangue et l’UA hésite ? Un an après la naissance de la Confédération des États du Sahel (AES), le bilan est là, têtu comme les faits.

Assimi Goïta, colonel devenu général, mais surtout artisan tranquille d’une souveraineté retrouvée, peut se retourner sans rougir. Il n’a pas seulement tenu la présidence tournante de la Confédération : il l’a marquée. De la force conjointe interarmées à la Banque confédérale, du passeport biométrique à l’unité de doctrine, l’AES a été plus loin en un an que la CEDEAO en vingt.

Trois ruptures fondatrices

Première rupture : la sécurité. Fini les armées nationales émiettées et dépendantes. L’opération Yéréko 2 a signé le retour de l’État sahélien armé et décidé. Pour les apprentis djihadistes, il ne s’agit plus de “tenir le terrain”, mais de le fuir. Ceux qui attendaient l’échec militaire n’ont eu droit qu’à des photos aériennes de leurs repaires pulvérisés.

Deuxième rupture : l’économie. Pendant que les technocrates ouest-africains négocient le Franc Eco depuis dix ans, les pays de l’AES ont mis en place un prélèvement commun sur les importations, doté leur banque confédérale de 500 milliards de francs CFA et lancé des projets aussi concrets qu’un chemin de fer transfrontalier. De l’intégration de dossiers au fond des tiroirs, on est passé à l’intégration budgétée, chiffrée, pilotée.

Troisième rupture : l’esprit. L’AES n’est pas une énième coalition de chefs d’État. C’est une déclaration de divorce. Divorce d’avec l’hypocrisie de la “communauté internationale” toujours prête à donner des leçons, jamais à tenir ses promesses. Divorce d’avec la tutelle financière et politique des anciennes métropoles. À défaut d’un passeport pour l’Europe, les Sahéliens ont désormais un passeport pour eux-mêmes — et c’est déjà beaucoup.

Le style Goïta, version confédérale

Qu’on le veuille ou non, Assimi Goïta est devenu plus qu’un président de transition : un symbole de constance dans une région friande de revirements. Son style ? Sobriété, rigueur, action. Il ne tweete pas, il ne théorise pas ; il fait. Quand d’autres organisent des colloques sur l’Afrique de demain, lui installe des lampadaires, rénove des routes et parachute des unités de reconnaissance.

Ce style a essaimé. À Ouagadougou, Ibrahim Traoré durcit l’appareil sécuritaire sans faux-semblants. À Niamey, Tiani remet l’État dans le cockpit d’une souveraineté assumée. Il fallait une colonne vertébrale politique : elle existe.

Les sceptiques grognent, les peuples adhèrent

Bien sûr, les critiques fusent. Paris s’agace, Bruxelles s’interroge, Washington observe. Certains pensent encore que ces trois pays reviendront, penauds, dans le giron des anciennes structures régionales. Mais dans les rues de Sikasso, Kaya ou Zinder, ce n’est pas la nostalgie des sommets de l’UA qui anime les conversations. C’est la fierté d’être maître chez soi. C’est l’espoir que, pour une fois, les décisions prises au sommet redescendent jusqu’aux plaines et aux hameaux.

Car le vrai test de l’AES n’est pas géopolitique. Il est social. Si, dans un an, les enfants sahéliens vont mieux à l’école, si leurs mères accouchent dans des hôpitaux fonctionnels, si les jeunes ne rêvent plus d’exil, alors l’AES ne sera pas seulement un projet politique. Ce sera une révolution paisible.

L’intégration ou l’insignifiance

Soyons clairs. L’AES n’a pas vocation à rester une exception. Elle veut devenir une norme africaine. Une Afrique qui se construit par les bases, pas par les sommets. Une Afrique qui préfère ses réalités à ses dépendances. Une Afrique qui sait que l’intégration est une exigence de survie, non un luxe de diplomates.

Il reste des défis, bien sûr. Une gouvernance plus structurée. Une monnaie commune, un jour peut-être. Une reconnaissance internationale pleine et entière. Mais, comme souvent, ce sont ceux qui n’ont plus rien à perdre qui avancent le plus vite. Et au Sahel, on a appris à faire des miracles avec des miettes.

À la veille de la session de décembre à Bamako, les peuples de l’AES savent une chose : ils ne sont plus seuls, ni désunis. Ils avancent ensemble, enfin. Et qu’importe si, en chemin, ils doivent laisser derrière eux quelques certitudes obsolètes. Au fond, l’histoire n’appartient pas à ceux qui commentent, mais à ceux qui la font.

Chiencoro Diarra


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