Dans un communiqué cinglant, la Confédération des États du Sahel (AES) dénonce la destruction d’un drone malien par l’armée algérienne comme un acte d’hostilité. Plus qu’un simple incident militaire, l’affaire révèle une fracture géopolitique profonde entre l’AES et Alger, sur fond de redéfinition des rapports de force dans le Sahel.
C’est un communiqué en lettres capitales, autant pour ce qu’il dit que pour ce qu’il sous-entend. Le Collège des Chefs d’État de la Confédération des États du Sahel (AES) a réagi avec une rare fermeté, ce dimanche 6 avril, à la destruction d’un drone militaire malien par l’armée algérienne. L’incident, survenu dans la nuit du 31 mars au 1er avril 2025, dans la zone frontalière de Tin-Zaouatène, dans la région de Kidal, cristallise une tension nouvelle entre Bamako et Alger. Et, plus largement, entre l’architecture militaire montante de l’AES et son grand voisin du nord.
Dans le communiqué signé de la main du Général d’Armée Assimi Goïta, Président en exercice de la Confédération, le ton est sans ambages : l’acte est qualifié d’« hostilité », d’« agression » et même d’entrave à une opération de neutralisation d’un groupe terroriste actif dans la région. Plus qu’un simple contentieux militaire, c’est l’affirmation d’une rupture. Celle d’un espace sahélien qui entend désormais contrôler seul sa souveraineté aérienne, sécuritaire, et diplomatique.
Un projet géopolitique en gestation
En coulisses, plusieurs sources évoquent une exaspération croissante des autorités de l’AES face à ce qu’elles perçoivent comme une posture ambivalente de l’Algérie : médiateur un jour, acteur de l’ombre le lendemain. Le rappel pour consultations des ambassadeurs AES accrédités à Alger en dit long sur la gravité de la situation.
Derrière le verbe diplomatique, se dessine une ligne rouge. En exigeant d’Alger qu’il adopte une « posture constructive » et qu’il cesse d’alimenter – même indirectement – les ennemis de la paix dans la bande sahélo-saharienne, le Collège des chefs d’État pose les jalons d’une doctrine nouvelle; celle d’un espace confédéral unifié, militarisé, et jaloux de son autonomie stratégique.
Surtout, cette affaire de drone – à elle seule anecdotique dans sa matérialité – illustre une dynamique plus vaste. Celle d’une Confédération AES qui, entre ruptures assumées et alliances recalibrées, forge peu à peu les attributs d’un souverainisme africain décomplexé. Un projet géopolitique en gestation, et une solidarité régionale que ses adversaires ont, à tort, sous-estimée.
La rédaction
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