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Les aberrations juridiques de la feuille de route de boubou Cissé

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Comme un dernier baroud d’honneur, le Premier ministre vient récemment de concocter un projet d’Accord politique pompeusement appelé « Rassemblement national ». Le pauvre Boubou CISSE continue donc de s’accrocher comme un beau diable au fauteuil vacillant de la Primature.

Ce projet d’Accord politique de « Rassemblement national » est vendu à la sauvette, comme la feuille de route de sortie de crise. Mais en vérité Boubou CISSE propose plutôt à des politiciens opportunistes en mal de portefeuilles ministériels et de prébendes, le chiffon de papier d’un labyrinthe sans issue autre que l’unique destination de maintien dans la douleur du peuple malien martyrisé par la gouvernance calamiteuse du Président d’une République qui tire à balles réelles sur des enfants. Cette soi-disant feuille de route de sortie de crise est jonchée de préconisations qui jurent fondamentalement avec la Constitution et les lois et qui restent solidement ancrées dans la logique antirépublicaine et antidémocratique d’État voyou qu’est devenu le Mali sous IBK. Pour qui donc se prendrait le jeune Boubou CISSE ?

La recomposition anticonstitutionnelle de la cour constitutionnelle

Les seuls hauts faits du régime moribond de IBK en la matière se résument à des actes de violation systématique de la Constitution du Mali au travers desquels il s’est tristement illustré. Comment ? Pour parler de recomposition, il faut d’abord se rappeler comment la Cour avait-elle été décomposée. Elle avait au départ enregistré un décès et des démissions. Ces vacances auraient dû ouvrir la procédure légale de leurs remplacements. IBK s’est royalement assis sur cette procédure. Pire, IBK va renvoyer comme des mal propres, les trois braves Conseillers survivants qui s’entêtaient à lui résister. Pour ce faire, il va planifier et mettre en œuvre une véritable opération de casse par l’inconstitutionnel et l’illégal Décret n° 2020-0312/P-RM du 11 juillet 2020 abrogeant leur mandat. Un Décret qui peut se targuer de la triple médaille d’acte de violation de serment présidentiel, de forfaiture et de haute trahison.

Au total, l’histoire de recomposition de la Cour est d’abord celle d’une double violation constitutionnelle : le refus du Président IBK de s’inscrire dans la procédure constitutionnelle de remplacement du Conseiller décédé et des Conseillers démissionnaires ; la dissolution de facto de la Cour par le Président IBK à travers l’abrogation de mandat des trois Conseillers.

C’est la raison évidente pour laquelle le processus de recomposition de la Cour constitutionnelle est complètement viciée à l’origine. C’est justement parce qu’elle est viciée à l’origine que par définition, la recomposition elle-même est d’office frappée d’inconstitutionnalité. D’autant plus qu’elle ne respecte même pas les règles constitutionnelles et légales applicables en la matière, notamment en ce qui concerne les nominations à effectuer par le Président de l’Assemblée nationale. Le Conseil supérieur de la magistrature en villégiature par rapport à ses missions constitutionnelles, avait notamment proposé pour plaire à IBK et son ministre TAPO, que « l’Assemblée nationale choisisse parmi une liste de 6 à 7 personnes proposées par la société civile, les 3 membres qui doivent être désignés au titre de l’Assemblée nationale ». Cette liste aurait-elle été imposée au Président de l‘Assemblée nationale qui aurait ainsi validé par procuration contrainte, les trois membres que sont l’avocat Maliki IBRAHIM et les magistrats BA Haoua TOUMAGNON et Beyla BA ? En tout état de cause, les trois membres nommés au titre du Président de l’Assemblée nationale l’ont été en violation flagrante de l’article 91 de la Constitution selon lequel les trois membres sont nommés par le Président de l’Assemblée nationale et non pas par l’Assemblée nationale ou même le bureau de l’Assemblée nationale. En définitive et en violation absolue de la Constitution, c’est une « société civile » mafieuse de l’ombre, qui a proposé six (6) noms au bureau de l’Assemblée nationale parmi lesquels celui-ci aurait choisi trois (3). Nul ne sait de quelle société civile s’agit-il, selon quelles modalités et sur quel fondement juridique cette soi-disant société civile serait ainsi habilitée à s’ingérer dans la recomposition d’une institution de la République aussi prestigieuse que la Cour constitutionnelle. Ce mode de désignation entérine donc la proposition totalement anticonstitutionnelle du Conseil supérieur de la magistrature à sa session du 30 juillet 2020. Mais au-delà de cette inconstitutionnalité évidente, il laisse planer au passage un lourd soupçon de faux et d’usage de faux en écriture sur le Décret n° 2020-0342/P-RM du 7 août 2020 portant nomination des membres de la Cour constitutionnelle où il est question au point 2 de l’article 1er, de « Membres désignés par le Président de l’Assemblée nationale ». Et si lesdits membres étaient désignés en fait par le bureau de l’Assemblée nationale sur proposition de la « société civile » ? Encore une fois, IBK projette à la face des Maliens, l’image hideuse d’un Président de la République décidant tout seul au mépris de la Constitution, des modalités d’exercice par le Président de l’Assemblée nationale de son pouvoir constitutionnel de nomination de ses trois membres à la Cour constitutionnelle. Une entorse gravissime de plus à la Constitution et à l’État de droit !

Vers une recomposition anticonstitutionnelle de l’Assemblée nationale par la cour remembrée

Le Premier ministre promet dans son Accord politique de rassemblement national, de « recomposer l’Assemblée nationale suite aux travaux de la nouvelle Cour constitutionnelle » ! Quel est donc le rapport entre la « recomposition » de l’Assemblée nationale et les « travaux de la nouvelle Cour constitutionnelle » ? Pour le saisir, il faut savoir que cette formulation hypocrite qui souffre d’un déficit chronique de courage politique de s’assumer face à l’imposture juridique de la forfaiture pure et simple, renvoie en réalité à la mission assignée d’office aux nouveaux Conseillers, consistant de leur part à casser les décisions définitives prises par la Cour constitutionnelle dans le cadre du contentieux des législatives de 2020. Face à la résistance légitime des députés à l’offre des démissions volontaires, il est clair que le Président IBK et son régime cherchent à s’emparer de la vieille recette constitutionnellement insoutenable de la CEDEAO reposant sur la remise en cause des décisions définitives de la Cour constitutionnelle. L’on se rappelle que dans le rapport de sa première mission qui a séjourné au Mali du 18 au 20 juin 2020, la CEDEAO « invite le gouvernement de la République du Mali à reconsidérer les résultats de toutes les circonscriptions ayant fait l’objet de révision par l’Arrêt de la Cour constitutionnelle. De nouvelles élections partielles pour les circonscriptions concernées devraient être organisées dans les meilleurs délais ». Le compte rendu fait par Me TAPO de la session du Conseil supérieur de la magistrature datée du 30 juillet 2020 s’inscrit dans cette même logique scandaleuse d’anéantissement de la portée juridique de l’Arrêt définitif de la Cour constitutionnelle. Me TAPO disait en substance : « Une fois que cette Cour sera installée, on verra comment le problème du contentieux électoral va être résolu dans un second temps… »

Enfin, Boubou CISSE lève définitivement le voile en proposant de « recomposer l’Assemblée nationale suite aux travaux de la nouvelle Cour constitutionnelle ». Ainsi donc, faute d’obtenir la voie constitutionnelle et légale des vacances de sièges consécutives à des démissions de députés conduisant aux élections partielles, Boubou CISSE se met au diapason des forfaitures présidentielles. Il prend l’engagement de ressusciter le contentieux électoral des législatives de 2020 pourtant mort de sa belle mort sous le poids de la portée juridique implacable des deux décisions définitives de la Cour constitutionnelle : à savoir l’Arrêt n° 2020-04/CC-EL du 30 avril 2020 portant proclamation des résultats définitifs du second tour et la Délibération n° 2020-02/CC-EL du 6 mai 2020 portant sur les demandes de sa rectification. Les masques semblent avoir fini par tomber. La casse organisée de la Cour constitutionnelle et sa recomposition au forceps ne participaient en fait que d’une manœuvre d’instrumentalisation des nouveaux Conseillers en les poussant à la forfaiture de blanchiment d’Arrêt préconfiguré par IBK et la CEDEAO dans le format de la confirmation de l’ensemble des résultats provisoires proclamés par l’Administration territoriale. La toute première mission attendue des nouveaux Conseillers sera de coller, par blanchiment, un semblant de constitutionnalité à un Arrêt préconfiguré par IBK et la CEDEAO. On fera remarquer au passage que Me TAPO, pas encore de la Justice, était farouchement opposé à ce banditisme juridique comme il l’assumait gaillardement le 21 juin 2020 sur Africable TV en parlant de la mission de la CEDEAO : « Ils ont fait des recommandations dont une m’a profondément choqué. Faire des élections partielles là où la Cour a annulé les résultats de l’Administration territoriale. Je me pose la question, quel est le support juridique de cette recommandation.  Sur quoi elle est fondée ? Nous avons l’article 94 de notre Constitution qui dit que les décisions de la Cour constitutionnelle s’imposent à tout le monde. La décision de la Cour a force obligatoire erga omnes… Dès lors que la Cour a proclamé les résultats, qu’elle a installé une Assemblée, déclaré élu les 147 députés, je ne vois pas comment le gouvernement ou le Président pourrait remettre ça en cause pour faire des élections partielles. Qu’on me dise par quelle voie y parvenir… » Et Me TAPO de conclure : « La CEDEAO joue au pompier qui vient avec des produits inflammables ». Le Président IBK, son Premier ministre Boubou CISSE, son ministre de la Justice Me TAPO auraient-ils eux aussi fini par enfiler des tenues de pompiers au secours de la grave crise politique du Mali avec dans les poches des produits inflammables ?

Vers l’élection anticonstitutionnelle d’un nouveau président de l’assemblée nationale sur le principe d’une personnalité consensuelle

C’est une autre aberration de Boubou CISSE. La proposition consistant à faire élire le Président de l’Assemblée nationale « sur le principe d’une personnalité consensuelle » viole à la fois la Constitution et le Règlement intérieur de l’Assemblée nationale. D’une part, le principe de séparation des pouvoirs garantie par la Constitution n’autorise nullement l’exécutif par la voie d’un simple Premier ministre, à régenter le fonctionnement interne de l’institution législative qu’est l’Assemblée nationale. D’autre part, le mode d’élection par consensus du Président de l’Assemblée nationale n’est pas prévu par son Règlement intérieur. Au contraire, le Règlement intérieur institue une procédure totalement ouverte et concurrentielle allant de la phase de dépôt des candidatures à la phase d’élection qui n’est acquise qu’à la majorité absolue au premier tour sinon à la majorité simple à un second tour.

Vers un renouvellement anticonstitutionnel des bureaux des commissions de l’Assemblée nationale

Le jeune Premier ministre adore décidément barboter dans les jardins de l’Assemblée nationale. Comme dans une petite République bananière, il se croit habilité à tripatouiller à sa guise l’organisation et le fonctionnement de l’Assemblée nationale pourtant régis par la Constitution, la loi et le Règlement intérieur de l’institution. C’est ainsi que son parchemin de feuille de route préconise le renouvèlement des bureaux des Commissions générales de l’Assemblée nationale comme si cette institution de la République n’était qu’un banal service de la primature. Les 11 Commissions générales ont déjà été constituées pour toute l’année et ont, sur convocation du Président de l’Assemblée nationale, déjà élu leurs bureaux. Au nom de quoi Boubou CISSE se permet-il de décréter le renouvellement généralisé de ces bureaux à peine mis en place ? Pour y répondre, nous dirons tout simplement que c’est au nom de l’État voyou que Boubou CISSE a le culot de proposer de telles forfaitures. Un État voyou dans lequel, si nul n’est au-dessus de la loi, ce jeune Premier ministre Boubou CISSE, IBK lui-même et son régime quant à eux, sont à la fois au-dessus de la Constitution, des lois et des règlements du Mali.

Dr Brahima FOMBA, Université des Sciences juridiques et politiques de Bamako (USJP)


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